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superstitions musulmanes, fontaines, mimbers, chapelles aux grêles colonnettes supportant un dôme ovoïde en forme de mitre cannelée, sont semés au hasard dans le Haram. Sur tout le pourtour de cette vaste esplanade, là où un peu de terre végétale s’est amassée sur le roc primitif, des oliviers, des cyprès, un maigre gazon, offrent une promenade solitaire aux méditations des croyans péripatéticiens. Des quodjahs y traînent leurs babouches avec la gravité contemplative de l’Oriental, recueilli en ne pensant à rien ; des soldats montent la garde au pied de la tour Antonia et sur les terrasses des remparts ; la barbe et le turban blanc d’un vieux Turc faisant ses ablutions à la fontaine, d’où s’envolent les colombes effarouchées, papillotent entre le feuillage sombre des cyprès. Le plus souvent aucun bruit, aucun mouvement humain ne viennent troubler le silence et la solitude du plateau sacré.

Telle est à peu près la surface du Haram : le dessous, machiné comme un plancher de théâtre, abrite le système le plus compliqué de substructions, de voûtes, de galeries, de citernes, d’égouts, tout un monde souterrain.

Moins que tout autre, j’ai le droit de toucher à un sujet qui a été épuisé par l’auteur du Temple de Jérusalem, et je n’essaierai pas de redire la majestueuse ordonnance de cette belle mosquée d’Omar, les splendeurs de la lumière sur ses parvis, les fêtes toujours nouvelles qu’elle y donne aux yeux. Tamisée et décomposée par de savantes verrières, tantôt réveillée par les cubes de cristal des mosaïques et les ors des plafonds, tantôt éteinte par l’ombre des colonnes de porphyre et les tapis de Perse, elle atteint une intensité d’effets que lui envieraient nos plus mystérieuses basiliques. Que d’heures émerveillées j’ai passées à suivre ses jeux, en écoutant les légendes que me racontait l’imam sur la pierre de la Sakrah, le vieil autel des holocaustes, quartier de roc fruste et labouré par le temps, qui se dresse dans sa nudité originelle au milieu de tous ces matériaux précieux artistement travaillés ; la main de David l’a touché, et il est suspendu sur l’abîme par celle des anges.

La mosquée El-Aksa, bien que fort curieuse pour l’archéologue, mérite moins d’arrêter le visiteur ; le hasard nous y fait pourtant rencontrer un sujet d’observations d’un haut intérêt. Toute grande mosquée est encore aujourd’hui dans la ville arabe ce qu’était la cathédrale dans nos villes du moyen âge, un petit centre clérical et hospitalier autour duquel se groupent les logemens des desservans, les asiles, les hôpitaux, les écoles ; l’enseignement de ces dernières est ordinairement distribué dans le temple. Nous entrons précisément à El-Aksa à l’heure des cours. Les étudians, vêtus du costume ecclésiastique, caftan noir et turban blanc, sont accroupis