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Rien n’est plus facile que d’accuser, de représenter les dangers et les fautes, ou, si l’on veut, d’égayer le public avec toute sorte de dépêches qui montrent les ridicules et les convoitises de ce monde souvent fantasque du lendemain d’une révolution. Rien n’est plus difficile que de se placer au vrai point de vue, de garder le sentiment impartial des choses, de laisser aux événemens, aux hommes, leur signification et leur caractère. Eh ! sans doute, il est de ses événemens exceptionnels, redoutables, mal venus, et le 4 septembre est du nombre, sur lesquels un pays a son examen de conscience à faire. C’est bien certain, le 4 septembre a été une aggravation d’une crise déjà formidable. C’est une révolution née de l’invasion, accomplie par la dissolution des pouvoirs publics, ayant pour conséquence inévitable une désorganisation du pays devant l’étranger victorieux. Elle a ce caractère étrange d’être précipitée par ce qui devait l’empêcher, de ne ressembler en rien aux révolutions qui sont le triomphe longtemps préparé d’un mouvement d’opinion, et de commencer par imposer le plus lourd des fardeaux, la plus ingrate et la plus compromettante mission à ceux qui recueillent ce fatal héritage, qui, en ayant l’air d’être les maîtres du jour, ne sont que les otages du péril public. On a beau jeu de parler au nom de la moralité politique, de discuter sur les origines du 4 septembre, sur le danger des révolutions accomplies en pleine guerre par les forces aveugles de la multitude et par l’envahissement des assemblées ! La question n’est pas là. Évidemment, si les affaires humaines étaient toujours gouvernées par la sagesse, s’il n’y avait jamais de tempêtes, si les passions populaires étaient prévoyantes et si les hommes publics restaient toujours maîtres de leurs résolutions, il aurait mieux valu écouter le conseil donné par M. Thiers à ceux qui lui proposaient de se mettre à la tête d’un mouvement qu’ils pressentaient. « Ma pensée en ce moment, a dit depuis M. Thiers, c’était de se servir de ce que j’appelais le corps législatif repentant pour résoudre les difficultés de cette affreuse situation. Il fallait, selon moi, que le corps législatif déclarât le trône vacant, formât une commission de gouvernement, essayât de signer un armistice avec l’ennemi, puis convoquât une assemblée où se réunirait tout ce que le pays comptait d’hommes capables et dévoués, et du sein de laquelle sortirait le remède à nos malheurs ; sans énoncer à mes interlocuteurs toutes mes pensées à ce sujet, je leur conseillais de ne pas prendre sur eux la charge d’événemens accablans, dont ils n’étaient pas la cause et dont ils n’avaient ni le devoir ni l’intérêt d’assumer la formidable responsabilité… »

Oui, c’était sans doute le moyen le moins irrégulier, le moins violent de dénouer une situation extraordinaire. C’eût été peut-être