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possible à un certain moment du mois d’août 1870, on pouvait même à la rigueur le tenter jusqu’au soir du 3 septembre. A l’heure où le coup de foudre de Sedan surprenait Paris, ce n’était plus guère possible, et le général Trochu a résumé la difficulté dans un mot pénétrant et juste : « Quoi ! le corps législatif de l’empire sans l’empire ? » Tout est là. C’est se faire une étrange illusion de croire qu’il était si facile « d’épargner à la France le malheur d’une révolution s’ajoutant au malheur d’une invasion,… » de « s’épargner à soi-même la faute de détruire du même coup tous les ressorts, les moyens d’action, les organes à l’aide desquels on peut donner quelque cohésion aux forces d’un pays en lutte avec l’étranger. » Cette révolution, assurément aggravante, elle se faisait depuis un mois heure par heure, l’unique question était de savoir comment elle arriverait, et si au dernier moment elle devenait irrésistible, si elle éclatait spontanément à travers toutes les combinaisons, à qui la faute ? Était-ce le résultat de cette conspiration dont on cherche partout la trace aujourd’hui, dont on étend directement ou indirectement la responsabilité a ce malheureux gouvernement de la défense nationale, au général Trochu lui-même ?

La vérité est que, si la révolution est arrivée le 4 septembre, ce n’est point à coup sûr par sa propre force. C’était l’empire qui, depuis le commencement de la guerre, préparait, accélérait cette désorganisation dans laquelle il allait disparaître. Il se sentait vaincu, condamné sur ses œuvres et impuissant à réparer les désastres provoqués, aggravés à chaque instant par son imprévoyance. Il s’affaissait, il se désorganisait au milieu des irritations, des déceptions et des doutes dont ses amis eux-mêmes ne se défendaient plus, et M. Thiers le dit justement : « la défiance du corps législatif à l’égard du gouvernement était devenue extrême, et ce corps autrefois si docile, croyant alors tous les mensonges que lui débitait le pouvoir, ne croyait plus aujourd’hui même à la vérité. Il avait jadis les yeux exclusivement fixés sur le gouvernement ; il tournait maintenant ses regards vers l’opposition. » Est-ce qu’on ne se souvient plus de ce temps où la confusion était dans les conseils, où les ministres évitaient désormais de prononcer dans le corps législatif le nom du chef de l’état, où l’empereur, écarté de Paris par son gouvernement, embarrassant ou inutile dans les camps, errait à demi découronné avant d’être captif ? Est-ce qu’on ne se rappelle pas ce décousu, ce désordre, qui sont bien cependant pour quelque chose dans les événemens ? Admettez encore, si vous voulez, qu’il y a eu une conspiration poursuivant à tout prix une révolution, qui donc devait redoubler de vigilance et d’activité dans des circonstances devenues si extrêmes ? Qui donc était chargé de garantir la