Les Chambâa, qui avaient fui après le meurtre, appartenaient aux tribus qui, après avoir soutenu Mohammed-ben-Abdallah dans sa lutte contre la France, se sont ralliées au parti de Bou-Choucha et enfoncées avec lui dans le désert. Ce sont ces dissidens qui excitent contre nous la haine des peuplades du Sahara depuis le Maroc jusqu’au Fezzan. Mais la mort de notre compatriote a été vengée. Les nouvelles les plus récentes qui nous parviennent de Ghadamez nous apprennent que, cinq des assassins étant allés au Fezzan pour y acheter de la farine et des dattes, cheikh Ikhenoukhen, qui s’y trouvait, leur reprocha d’avoir assassiné les Français qui venaient chez eux pour les voir, et leur dit qu’il était résolu à les punir. Il les laissa néanmoins quitter l’oasis ; mais, lorsqu’ils furent engagés dans le désert, il envoya des hommes qui les massacrèrent.
M. Dournaux-Duperé était un homme actif, instruit, entreprenant, d’une très grande énergie, qui eût pu mener à bien son entreprise. Il lui manquait cependant cette qualité indispensable à ceux qui, comme lui, se décident à voyager dans des pays fanatiques : savoir compter avec les événemens, au besoin même attendre et renoncer provisoirement. Plein de foi presque jusqu’à la fin dans le succès de son entreprise, il dut aux derniers jours se rendre à l’évidence ; mais il croyait son honneur engagé. Tout espoir d’ailleurs n’était pas éteint en lui : il persévéra, et c’est ainsi qu’il trouva la mort. Fort heureusement il avait eu l’idée d’envoyer en France, avant son départ pour Ghadamez, la copie de son journal de voyage. Aussi ses observations ne seront-elles pas perdues : la partie de son œuvre qu’il a pu accomplir est publiée, et le nom de ce nouveau martyr de la science ne demeurera pas inconnu.
Bien moins hardi que son émule, M. Soleillet ne voulait aller que jusqu’à In-Çalah. S’offrant comme un de ces négocians entrepreneurs qui iraient les premiers étudier sur place les ressources de ces pays inconnus ouverts par le traité de Ghadamez, il comptait faire revivre les anciennes relations commerciales qui existaient autrefois entre l’Algérie et le Soudan par l’archipel des oasis. Seulement pour réussir, il arrivait un peu tard : bien des événemens avaient passé, on l’a vu, depuis le traité de Ghadamez.
M. Soleillet se présentait avec le patronage de la chambre de commerce d’Alger, qui, sous le titre un peu vague de « Société d’encouragement pour l’exploration commerciale du Sahara central, » organisait par souscription une sorte de caravane d’essai dont M. Soleillet serait le chef. Le rapport de M. le docteur Warnier, député d’Alger, présenté à la chambre de commerce de cette ville en avril 1873, dit que M. Soleillet se propose « de se rendre à In-Çalah, entrepôt du Sahara du nord, tête de ligne du Soudan, au