volonté persistante, il parvient, au prix des plus grands dangers, à établir dans cette ville le premier comptoir israélite qu’on y eût jamais vu. Malheureusement, après dix ans d’efforts et au moment où il commençait à jouir d’une fortune inespérée, les Touaregs pillèrent ses caravanes et le forcèrent de revenir dans son pays, plus misérable qu’il n’en était parti. Le récit de ses entreprises et de ses infortunes toucha notre consul à Mogador, M. Beaumier, qui le recommanda à la Société de géographie. Le rabbin vint à Paris à la fin de l’an dernier, proposant de tenter une nouvelle exploration à la fois scientifique et commerciale sur Timbektou. Il pensait que cette expédition serait avantageuse pour la science et ouvrirait des écoulemens à un certain nombre de nos marchandises. Il fut accueilli avec beaucoup de cordialité par M. Henri Duveyrier, qui lui donna l’hospitalité et lui fit acquérir les connaissances qu’un explorateur doit posséder : observations barométriques, usage des instrumens, etc.
Le rabbin Mardochée a fait preuve, dans ces différentes démarches, d’une grande intelligence personnelle et d’une connaissance approfondie des milieux dans lesquels il a si longtemps vécu. Il s’est tiré avec honneur des différens examens qu’on lui a fait subir, et il a témoigné de son dévoûment à la France. La communauté israélite, ne voulant pas rester étrangère à ce concours de bienveillance, a contribué par un don pécuniaire aux entreprises de son coreligionnaire. Mardochée a pu repartir à la fin de juillet 1874 avec une instruction plus approfondie et de nombreux échantillons de marchandises diverses. Cette pacotille lui permettra de préparer sans précipitation son voyage à Timbektou.
L’entreprise du rabbin Mardochée peut donner des résultats importans. Les relations commerciales sont peut-être les seules qui puissent créer un trait d’union entre les peuples chrétiens et les peuples musulmans. La pacotille du rabbin vaut à peu près 5,000 fr. Il l’a expédiée, grâce à son frère, négociant de Tamanart, par la caravane d’octobre, à Timbektou, où il compte être arrivé vers le mois de mai 1875. Jusqu’à présent il s’écoule chaque année, sur les confins du Maroc et de l’Algérie, une quantité plus ou moins considérable de marchandises européennes, anglaises, espagnoles et même allemandes, où ne figurent que peu ou point de produits français. Le projet de Mardochée n’intéresse donc pas moins nos commerçans que nos savans ; il peut avoir d’heureuses conséquences pour la prospérité de nos trois provinces d’Algérie.