Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le commerce du Sahara, il en est une plus importante que les autres : les sentimens hostiles ont été habilement exploités contre la France. Si jusqu’à ce jour les caravanes du Sahara et du Soudan ne sont pas venues échanger leurs produits sur notre littoral, c’est que non-seulement le trajet eût été plus long que pour aller à Tripoli ou au Maroc, mais encore parce qu’il fallait traverser notre colonie dans toute sa profondeur, relever de notre autorité pendant ce parcours, et que ces fiers Africains ont craint de compromettre leur indépendance. Une foire a été établie à Alger pour les gens du sud ; jamais un musulman saharien n’y a paru. Il en devait être ainsi. Le gouverneur-général de l’Algérie vient de décider la création de foires qui se tiendront chaque année sur plusieurs points, à la limite extrême de nos possessions. C’est là une idée bonne et pratique. En agissant avec prudence, il est possible de donner à ces marchés une importance réelle et d’en faire le lieu de rendez-vous des caravanes qui parcourent le Sahara, se détournant maintenant vers les marchés de l’est et de l’ouest. Quoique nous ignorions encore les oasis sur lesquelles va s’arrêter le choix du gouverneur-général, les points de Géryville, Laghouat, Biskra, nous paraissent indiqués comme têtes de ligne des trois provinces. Que l’on songe toutefois à la cherté des transports dans ces postes éloignés, et l’on verra que notre commerce ne peut, en l’état actuel, offrir qu’à des taux très élevés les objets recherchés des Sahariens, cotonnades, métaux, armes, en échange de leurs propres produits. Il serait bon de compléter la création de ces marchés en affranchissant, comme on l’a déjà fait pour Biskra, la région où ils se tiendront de toute redevance douanière. Il faudrait enfin que la libre circulation nous fût acquise à titre définitif au Touât ou dans les régions avoisinantes qui relèvent de l’empire marocain, car il est à remarquer que, si aujourd’hui le sultan de Maroc est reconnu au Touât, c’est par crainte de notre domination. Ces pays ont redouté, il y a quelques années, d’être envahis par les troupes françaises ; alors ils ont réclamé la souveraineté du chérif des chérifs en offrant de lui payer un impôt qui a été accepté. A notre contact seulement s’évanouiront les craintes et les préventions des indigènes. Tous nos efforts doivent donc tendre à rapprocher de nous les tribus du désert ; c’est pourquoi la tentative du général Chanzy est une heureuse inspiration. C’est quant à présent la seule manière de faire du commerce avec le Sahara et de préparer pour l’avenir des relations plus étendues avec l’Afrique centrale.


NAPOLEON NEY.