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romarins, station naturelle du chêne vert, dont les touffes rabougries ne donnaient que de maigres récoltés de truffes. A partir de 1858, mais surtout après la loi de 1860, le semis régulier des chênes dans les terres communales de Bédouin a couvert des espaces qui, dès 1862, comptaient 1,054 hectares. Par une heureuse rivalité, d’autres communes sont entrées dans ce mouvement. Le pied du Ventoux, du côté du sud, sera bientôt une immense truffière artificielle. D’autres localités étaient déjà classiques pour cette culture : par exemple l’Ouvière de Croagne, les environs de Roussillon, de Saint-Saturnin, les Buoux, les Agnels, sur les contre-forts du Luberon. Partout dans cette région montagneuse d’Apt, la truffe a donné aux terres incultes une valeur exceptionnelle, si bien que, tel paysan ayant acheté 500 francs, il y a quinze ans, un hectare de garrigue rocailleuse et dénudée, en retire en moyenne dans une campagne de trois à quatre mois un revenu net de 1, 500 francs. Un chiffre fera d’ailleurs comprendre d’une façon saisissante l’importance de cette récolte. Dans le département de Vaucluse, M. Chatin en estime le revenu annuel à 3,800,000 francs, tandis que les truffières de la "Vienne n’en donneraient que 250,000. comme richesse dans ce genre de récolte (en y comprenant les truffières naturelles), les Basses-Alpes et le Lot viendraient en seconde ligne, avec 3 millions de francs chacune, tandis que le département de la Dordogne, si renommé dans les fastes gastronomiques, ne produirait que pour 1,200,000 francs de truffes, la Charente en donnerait pour 400,000, et la Charente-Inférieure pour 100,000 francs seulement. Je renvoie au livre de M. Chatin pour les détails de cette statistique, non sans faire observer, en dehors de toute intention de critique, que les données sur de tels sujets sont trop vagues et trop imparfaites pour qu’on puisse les accueillir avec une confiance absolue. La seule vérité qui se détache nettement de ce tableau, c’est qu’en dehors du Lot, auquel ses vastes terrains jurassiques créent d’immenses ressources comme truffières naturelles, la production des départemens du sud-est, notamment des bassins du Rhône et du Var, est infiniment supérieure à celle des départemens de l’ouest. Quant aux départemens du centre, Côte-d’Or, Haute-Marne, Nièvre. Indre-et-Loire, les proportions en sont insignifiantes ; mais partout où la vigne prospère, où les terrains argilo-calcaires prédominent, où les chênes sont l’essence principale dans la végétation arborescente du pays, partout où la truffe noire existe naturellement, les procédés de culture indirecte pourraient multiplier dans de fortes proportions ce précieux revenu. Admirablement servie à cet égard par la nature de ses terrains et de son climat, la France, déjà reine du monde gastronomique par ses grands vins, par ses goûts de