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peut, suivant les circonstances, s’attacher à des radicelles vivantes, ou bien s’étaler sur les mêmes organes déjà morts. Les champignons qui semblent vivre du sol végètent en réalité dans les détritus organiques constituant un substratum qui garde encore quelque chose des tissus naguère vivans : les botanistes appellent saprophytes ces organismes ainsi voués à se nourrir de détritus d’autres végétaux ; or la limite entre les saprophytes et les parasites vrais est si peu tranchée que la même famille de plantes, les orchidées par exemple, présente à côté de formes suceuses de plantes, comme le corallorhiza innata, d’autres types, comme le neottia nidus avis, qui, malgré l’absence de couleur verte dans leur tissu et malgré leurs traits de parasites, n’ont avec les plantes environnantes aucune connexion organique appréciable.

Il se pourrait néanmoins que cette indépendance apparente de plantes à faciès parasitique n’existât pas à toutes les périodes de leur vie. L’impossibilité d’en obtenir la germination et l’évolution par le semis ordinaire semble être la preuve implicite que nous ignorons quelque circonstance essentielle dans leur mode d’existence, et peut-être une de ces conditions serait-elle une liaison temporaire et fugace entre la plante naissante et les racines ambiantes. Pour la truffe en particulier, la question se pose avec d’autant plus de vraisemblance que l’on ignore absolument la germination des spores et le premier état du mycélium, comme aussi la destinée de ce lacis de fils nourriciers, à partir du moment où les jeunes truffes, en quelque sorte sevrées, achèvent de grossir et de mûrir dans le sol en absorbant directement par leur surface les élémens nécessaires à leur croissance. Le mycélium disparaît-il tous les ans dès que son rôle de nourrice est terminé ? Persiste-t-il après cette période à l’état fragmentaire et latent, mais avec la faculté toujours présente de renaître à l’activité et de repulluler en filamens truffigènes dès que les pluies tièdes seront venues lui rendre la fécondité ? Questions encore sans réponse, mais que l’observation sera sans doute capable de résoudre. Alors seulement on saura si la vie entière de la truffe est comprise dans l’espace d’une année, ou bien si le mycélium vivace et pérenne comme celui du champignon de couche peut demeurer la source intermittente des générations annuelles des truffes dont la persistance au même lieu constitue la truffière naturelle. Une circonstance pourrait faire supposer que le mycélium en question se renouvelle tous les ans : c’est que l’on peut impunément et même avec avantage soumettre à des labours printaniers la terre qui recèle les truffières ; au contraire l’opération faite en été ou en automne au moyen de pics bouleversant profondément le sol est désastreuse pour les truffières les mieux