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II.

WAN-LI LE PAÏEN.




I.

Comme j’ouvrais la lettre de Hop-sing, il en tomba un carré de papier jaune qu’à première vue je pris innocemment pour l’étiquette d’un paquet de pétards chinois ; mais la même enveloppe contenait encore un plus petit morceau de papier de riz portant deux caractères exotiques à l’encre de Chine que je reconnus aussitôt pour la carte de visite de Hop-sing. Le tout traduit littéralement signifiait :

« À l’étranger, les portes de ma maison ne sont pas fermées ; la jarre de riz est à gauche, et les confitures à droite en entrant.

« Voici deux paroles du maître :

« L’hospitalité est la vertu du fils et la sagesse de l’ancêtre.

« L’homme supérieur a le cœur léger après la moisson et il donne une fête.

« Quand l’étranger est dans votre champ de melons, ne l’observez pas de trop près ; la distraction est souvent la forme la plus haute de la civilité.

« Bonheur, paix et prospérité.est souvent la forme la plus« Hop-sing. »

Quelque admirables que me parussent ces diverses sentences et quoique la dernière fût éminemment caractéristique, mon ami Hop-sing étant le plus misanthrope des humoristes en sa qualité de philosophe chinois, j’avoue que je n’aurais rien compris à ce message, si Hop-sing n’y eût ajouté en anglais un troisième billet :

« On compte sur le plaisir de votre présence, rue Sacramento, vendredi soir à huit heures. Une tasse de thé à neuf. »

Ceci expliquait tout. Il s’agissait de passer la soirée au magasin de Hop-sing : exhibitions de quelques curiosités inédites, causeries dans l’arrière-boutique, tasse de thé d’une perfection inconnue en dehors de cette enceinte sacrée, cigares et visite au théâtre ou au temple chinois, tel était le programme favori de Hop-sing quand il exerçait l’hospitalité comme facteur principal ou surveillant de la compagnie Ning-foo.