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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/755

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FLAMARANDE.

Oui, cela vaudrait mieux pour elle que de laisser croire à une complicité quelconque de sa part ! Pour moi, cette hypothèse, que j’ai présentée plus d’une fois à monsieur le comte, était la plus vraisemblable ; on n’est pas corrompue à seize ans. On ne trompe pas son mari après quelques mois de mariage, surtout quand ce mari vous a épousée par amour, qu’il est honorable aux yeux de tous et aussi beau que d’autres. Avouez donc ;… mais non, vous n’avouerez rien, vous sacrifierez Roger, vous y êtes décidé !.. Eh bien ! moi, je vous déclare que, dût-il me tuer, Roger saura la vérité. Je ne la lui aurais jamais dite, je comptais sur votre loyauté. Vous l’abandonnez. Je ne l’abandonnerai pas, moi, son vieux serviteur, le seul ami qui lui reste. Je lui inspirerai la fermeté qu’il doit avoir… Non,… pas cela, je ne ferai pas cela, j’irai trouver sa mère, j’y vais ! Je connais le chemin de son appartement ; je lui dirai que je sais tout, que j’ai des preuves ; elle n’osera les nier, elle se laissera soupçonner par ses deux fils, s’il le faut, mais elle ne consommera pas cette chose inique de partager l’héritage de son mari entre l’enfant légitime et celui qui ne l’est pas.

M. de Salcède m’avait saisi le bras droit et le tenait fortement, les yeux dans les miens, mais sans m’interrompre. Quand je voulus me retirer pour aller trouver madame, comme j’y étais résolu, il m’arrêta, me fit rasseoir de force et me dit d’une voix nette et ferme :

— Vous mentez ! vous êtes un fou ou un méchant homme ! Voyons, vos preuves tout de suite, vous ne sortirez pas d’ici sans les avoir montrées !

— Je ne suis pas assez fou, répondis-je, pour les avoir apportées dans un lieu où je n’aurais pas la force de les défendre, et je veux bien vous dire que je n’en ai qu’une, mais elle est terrible, et vous pouvez la chercher sur votre poitrine, monsieur le marquis de Salcède. Le fac-simile y est encore, mais l’original est dans mes mains depuis longtemps.

Stupéfait, abasourdi, M. de Salcède porta la main à son reliquaire, l’ouvrit et regarda le petit papier. Dans cet examen attentif, il parut retrouver sa présence d’esprit. — C’est vrai, dit-il, une main très habile a reproduit l’original. Pourtant, je ne m’y serais probablement pas trompé, si j’avais ouvert le sachet ; mais depuis quinze ans que je le porte nuit et jour dans une enveloppe chimique imperméable, je ne l’ai pas ouvert une seule fois dans la crainte d’en altérer le contenu, que je voulais conserver toute ma vie comme un talisman, comme un préservatif contre le découragement, comme ces amulettes dont les Orientaux ne se séparent jamais, et qui les entretiennent dans l’espoir d’une vie meilleure. C’était là mon verset du Coran, à moi, c’était ma seule superstition. Le lâche qui me l’a enlevé peut se dire qu’il a entre les mains le signe et la consé-