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FLAMARANDE.

celui qui a violé mon domicile, ouvert mes meubles, lu mes lettres et dérobé jusque sur moi une prétendue preuve d’adultère, non, cet homme-là n’était ni un malfaiteur ni un espion, c’était un jaloux désespéré qui acceptait le rôle et usurpait le droit d’un époux vengeur.

Je fus encore une fois brisé par l’autorité froide de M. de Salcède. Touchait-il la vérité, je n’en sais encore rien moi-même. Je n’ai jamais voulu, je ne veux jamais le croire. Je niai avec assez d’obstination pour le convaincre au moins que je n’avais jamais caressé en moi la moindre chimère, et je vis qu’il faisait plus de cas de moi à mesure qu’il voyait ma sincérité. — Allons, me dit-il, ne parlons plus jamais de ces choses, qu’elles restent un secret absolu entre nous, de même que le reste. Je vous donne ma parole d’honneur que personne au monde ne se doutera de votre conduite envers moi et du motif que je lui attribue. Vous pouvez conserver intacte l’estime de Mme de Flamarande et l’amitié de Roger. C’est à vous de les justifier, et je suis sûr qu’à présent vous ne serez plus tenté de troubler leur sécurité. Voyez, malgré ce que vous avez fait contre moi, car c’est envers moi seul que vous avez été gravement coupable, j’ai encore confiance en vous et je vous rends à vous-même. Le seul remède à l’humiliation que vous subissez vis-à-vis de moi, c’est de vous réhabiliter complètement dans mon estime. Je vous en offre le moyen en vous jurant que vous pouvez rester attaché à la famille de Flamarande, puisque aucune révélation, aucun avertissement de ma part ne vous ôtera la confiance dont vous y jouissez.

— Je crois à votre parole, monsieur le marquis, mais j’ignore si je pourrai profiter de votre générosité ; je ne le crois pas dans l’état d’accablement où je suis. Pourtant je ne veux pas vous quitter sans vous restituer, à vous et à M. le comte Gaston de Flamarande, deux pièces essentielles. Voici d’abord le véritable autographe que je vous avais dérobé ; en second lieu, voici la déclaration de M. le comte Adalbert de Flamarande, donnant acte des droits légitimes de Gaston par l’explication des motifs de son exil. J’ai menti à Mme la comtesse en lui disant que son mari m’avait repris cette pièce. Je craignais alors de mettre cette dernière ressource au service du mensonge ; mais j’ai menti également au comte mourant en lui disant qu’elle, avait été anéantie, voulant cette fois me réserver le droit de proclamer la vérité, si elle venait détruire mes fâcheuses suppositions.

— Merci, Charles ! dit le marquis en reprenant son talisman avec une joie évidente. J’accepte aussi le dépôt que vous me faites et qui est de la dernière importance, puisqu’il justifie complètement Mme de Flamarande devant ses fils et aux yeux du monde. À présent, Charles, vous allez reprendre le legs de M. de Flamarande. Ni Gaston, ni Roger ne consentiront jamais à vous en dépouiller.