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de souvenirs, ne sont pas capables de porter bateaux. Seul, le Rhône pénètre à l’intérieur des terres avec la Saône, qui en est le véritable prolongement géographique ; par les canaux qui lui font suite, il reçoit les productions de la Suisse, de la Belgique, de l’Allemagne occidentale. Près de son embouchure s’ouvre le principal port de la Méditerranée. Nulle part la navigation intérieure ne rencontrerait un ensemble de conditions plus favorables, si ce fleuve fougueux n’offrait lui-même entre Lyon et Arles des obstacles que la batellerie a peine à surmonter. Suivons de sa source à son embouchure ce long cours d’eau, qui descend presque en droite ligne des monts Faucilles à la Méditerranée.

La Saône prend naissance dans les Vosges ; sur une longueur de 100 kilomètres et plus, ce n’est d’abord qu’une petite rivière à pente rapide, sujette à des crues violentes avec un débit d’étiage qui se réduit presqu’à rien. À Port-sur-Saône, où elle commence à porter bateaux, la pente n’est plus que de 26 centimètres par kilomètre ; un peu plus bas, le Doubs lui verse un volume d’eau considérable ; elle reçoit à gauche le canal du Rhône au Rhin, à droite le canal de Bourgogne et le canal du Centre ; puis la pente kilométrique s’atténue encore au point de ne plus être que de !i centimètres : la Saône en cette partie de son cours ressemble à un lac plutôt qu’à une rivière. À peu de distance de Lyon, la vitesse s’accroît un peu, et enfin cette belle rivière rejoint le Rhône, qui, tout au contraire de son paisible affluent, descend de la frontière suisse à Lyon dans un lit rapide et encombré de rochers. Bien que le débit des crues soit encore trop considérable, la Saône est de ces rivières que l’on rend navigables à peu de frais. Les ouvrages exécutés dans cette intention consistent en barrages mobiles avec écluses qui y ont aussi bien réussi que sur la Seine et l’Yonne. Les ingénieurs ont en vue d’obtenir un mouillage de 2 mètres, de Port-sur-Saône à Lyon, même par les basses eaux ; ils y arriveront assurément. L’importance de la batellerie justifie les dépenses faites pour cet objet ; en effet au-dessous de Saint-Jean-de-Losne, où débouche le canal de Bourgogne, le trafic s’élève déjà à près de 400,000 tonnes kilométriques, quoique les bateaux aient encore quelques passages difficiles à franchir. Entre Chalon et Lyon, le taux du fret varie de 1 1/2 à 2 centimes par kilomètre ; il y était de 6 centimes avant la construction des chemins de fer. La comparaison de ces chiffres ne démontre-t-elle pas mieux que tout raisonnement de quel profit la concurrence des moyens de transport est pour le consommateur ?

En aval de Lyon, la situation change. D’abord la pente s’élève à 55 centimètres ; le débit d’étiage se soutient assez bien, car il n’est pas inférieur à 200 mètres cubes, mais le débit des crues qui atteint