Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

7,000 mètres dans le haut est du double auprès d’Arles. En outre le fleuve coule dans un lit de graviers tellement mobiles que l’échouage d’un bateau suffit quelquefois à déplacer le chenal navigable sur une grande longueur. Puis il y a pour le moins trois mois de chaque année pendant lesquels la navigation s’arrête tout à fait à cause des brouillards ou des glaces, des basses eaux ou des crues. En résumé, trop de vitesse, un lit mobile, un débit fort inégal, des chômages fréquens, voilà ce que le Rhône est pour les mariniers. L’art des ingénieurs semble être impuissant contre de telles imperfections. « Dans ces conditions, comme le remarque avec sagacité M. Krantz, on a affaire non plus à un seul, mais à plusieurs cours d’eau qui se succèdent dans le même emplacement avec des vitesses et des volumes différens. Les dispositions qui conviennent à l’un des états du fleuve conviennent rarement aux autres; ce que les uns avaient respecté, les autres le détruisent ou ont tendance à le détruire. » L’administration des travaux publics a néanmoins dépensé beaucoup de millions sur le Rhône, d’abord pour défendre les berges contre les érosions et protéger les villes riveraines contre les inondations, ensuite, surtout depuis 1860, pour améliorer la voie navigable. On n’a pas osé toutefois y construire les barrages mobiles, qui rendent tant de services sur les rivières du nord. Le but que l’on se propose est d’établir un mouillage de 1 m,60 qui ne donnerait pourtant qu’un tirant d’eau utile de 1 m,20 pour les bateaux à cause de la vitesse du courant. Malgré tant d’obstacles, le Rhône transporte encore 300,000 tonnes kilométriques, dont les deux tiers en descente; avant les chemins de fer, le trafic était double. Le prix du fret est fort élevé, surtout à la remonte. La navigation ne s’opère qu’avec des bateaux longs et plats que mènent des mariniers habitués de longue date aux difficultés de ce voyage. Il est même permis de s’étonner que le fleuve soit encore si fréquenté; on ne peut se l’expliquer que par l’insuffisance trop connue du chemin de fer parallèle.

A partir d’Arles, la situation s’améliore beaucoup; c’est le Rhône maritime avec une pente insensible et un débit d’étiage bien soutenu. Le mouillage naturel dépasse 2 mètres. Aussi les navires de mer y pénètrent-ils. Plus près de l’embouchure, le courant fluvial disparaît presque, tant le lit est large, et la profondeur varie de 6 à 9 mètres. Seulement le Rhône, dont les eaux troubles sont très chargées d’alluvions, apporte chaque année à la mer des millions de mètres cubes de détritus qui se déposent sur le littoral en formant une barre que les navires calant 3 mètres ne peuvent plus franchir. Que faire pour ouvrir un chenal à travers cette barre? Il y a vingt-cinq ans, M. Surrel proposa de fermer les bras secondaires