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proposé de supprimer cent quarante-neuf sièges, on en supprima cent quarante et un. Ainsi se trouva renversé, après deux ans d’efforts, un système électoral auquel la grande révolution anglaise de 1688 n’avait osé toucher. Ce système ne supportait pas l’analyse, il blessait toutes les règles de la logique et de l’égalité, il ne pouvait plus tenir dès qu’il était discuté ; mais avant qu’il ne fût discuté il avait été l’instrument commode de la classe aristocratique. Les communes avaient le double mérite de représenter le peuple et le pouvoir suivre une politique traditionnelle. Cette politique s’était égarée dans la lutte contre les colonies américaines, on ne peut dire qu’elle trompa les intérêts de l’Angleterre quand elle soutint l’Europe chancelante contre l’omnipotence de Napoléon Ier.


II

Le parlement de la réforme ressembla beaucoup à ceux qui l’avaient précédé. La continuité historique, si l’on me permet le mot, ne parut pas violée quand il se réunit : les politiques de mauvaise humeur, les dégoûtés qu’on rencontre dans tous les temps et tous les pays, trouvèrent cependant beaucoup à y reprendre. « Autrefois les nouveaux députés montraient quelque modestie, quelque embarras, quelque semblant de respect pour l’assemblée où ils étaient admis ; ces gens se conduisent comme s’ils avaient pris la place d’assaut, et ils ont toute l’insolence de la victoire[1]. » Les tories étaient trop vaincus ; il sembla un moment qu’il n’y eût plus qu’un parti, celui du gouvernement, et à côté de ce parti des excentriques, la bande d’O’Connell, les radicaux turbulens ; Peel, presque solitaire, prudent, attendait l’avenir. L’Irlande était dans un état lamentable. Lord Grey annonça à la chambre que dans l’espace d’un an 9,000 crimes y avaient été commis. Il présenta une loi qui donnait au lord-lieutenant le droit de pacifier le pays, de substituer des conseils de guerre aux tribunaux, d’empêcher les réunions publiques et de réprimer les excès de la presse. L’acte de coercion fut voté et eut les plus heureux effets. En moins d’un an, l’Irlande fut pacifiée. En Angleterre, l’agitation qui avait accompagné la réforme électorale s’était calmée : le nouveau parlement ressemblait beaucoup à ceux qui l’avaient précédé. Rien n’était changé en réalité : les whigs avaient pris la place des tories : ils travaillaient laborieusement à amender la loi des pauvres et cherchaient des remèdes aux maux de l’Irlande. Le cabinet était divisé sur la question de l’église d’Irlande. Stanley et Graham étaient tout à fait contraires à l’idée de soumettre au parlement un plan d’appropriation des immenses

  1. Mémoires de Greville, t. II, p. 361.