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revenus de l’église anglicane en Irlande ; lord Russell accéléra une crise devenue inévitable en parlant sur ce sujet délicat dans la chambre. Il exprima l’opinion que les revenus de l’église anglicane en Irlande dépassaient ses besoins légitimes, que le peuple irlandais avait le droit de se plaindre de l’usage fait de la dîme. Son dernier mot : « justice pour l’Irlande ! » fut couvert d’applaudissemens ; mais Stanley put dire à Graham : « Johnny a versé la voiture. » Trois ministres donnèrent leur démission ; lord Grey se retira, et lord Melbourne fut invité à former un nouveau cabinet. « Voyant, dit, lord Russell en racontant cette journée, qu’il n’y avait rien à faire, ce soir-là, je me rendis à l’opéra. »

Le roi aurait désiré que lord Melbourne s’alliât au duc de Wellington et à Peel. Melbourne, qui était très hostile aux coalitions, refit son cabinet avec des whigs et y garda Russell comme payeur-général. La mort de lord Althorp, le leader des communes, détermina peu après une nouvelle crise. Melbourne suggéra au roi le nom de Russell comme pouvant succéder à lord Althorp ; le roi, après un jour de réflexion, lui remit une lettre flatteuse où il le remerciait de ses services et lui annonça qu’il faisait demander le duc de Wellington. Les ministres apprirent leur sort dans le Times. Cette révolution était si peu prévue que Peel voyageait tranquillement en Italie. Le roi, raconte Greville, qui donne un récit très amusant de cette crise, détestait Russell, et le trouvait « un dangereux petit radical ; » il supportait impatiemment le joug des whigs, il songeait à leur échapper et à faire maison nette. Le duc de Wellington, qu’on avait été chercher à la chasse pour lui confier le pouvoir, obéit comme toujours au roi sans se faire illusion sur les difficultés de sa tâche. Peel revint à la hâte d’Italie et prit les sceaux de la chancellerie de l’échiquier. Le parlement fut dissous, et quand les deux partis essayèrent leur force dans les communes, la majorité se prononça en faveur de l’opposition. Peel donna sa démission, et le roi demanda encore une fois à lord Melbourne de composer un cabinet. « Lord John s’est marié ce matin (14 avril 1833), dit Greville ; il est retourné à Kent-House avec sa fiancée, Melbourne devait lui faire dire à une heure ce qui avait été définitivement arrangé : il attendit jusqu’à deux heures, et, les nouvelles n’arrivant pas, il partit pour Woburn (le château du duc de Bedford). » Il n’y resta pas longtemps et fut nommé secrétaire de l’intérieur dans le nouveau cabinet. Le second cabinet de lord Melbourne dura de 1835 jusqu’en août 1841 : les principales mesures que lord Russell fut appelé à défendre dans cet intervalle furent la commutation de la dîme, qui substituait l’abonnement au paiement en nature, l’introduction de l’état civil pour les naissances et les mariages, des lois sur les écoles en Angleterre et en Irlande.