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nouvelles tentatives : les empereurs d’Autriche et de Russie se rencontrèrent à Olmütz ; peu après, ils virent ensemble le roi de Prusse à Varsovie ; on ébauchait des projets d’arrangement. Lord Stratford fit le sien après le comte Buol ; au milieu de ces discussions, la guerre éclatait entre la Russie et la Porte. Pendant ces vaines tentatives, lord Aberdeen avait toujours trouvé devant lui lord Russell et lord Palmerston. Il écrivait le 20 octobre 1853 à M. Gladstone en parlant d’un projet de note commune des gouvernemens français et anglais qui avait chance d’être adoptée à Vienne, et qui devait être de nature à être imposée à la Turquie : « Si raisonnable que fût ce projet, je ne crus pas prudent d’y adhérer. Je vis que lord Palmerston et lord John Russell étaient tous deux décidés à s’y opposer jusqu’à la dernière extrémité (to the ulmost extremity). » Il ajoute qu’il ne crut pas devoir engager une lutte ouverte avec eux… — Nous lisons dans une lettre adressée au mois de février 1875 à lord Russell, après la publication de ses Souvenirs, par le fils de lord Aberdeen, sir Arthur Gordon : « À ce moment et dans la suite jusqu’à sa mort, l’impression de lord Aberdeen a été certainement que les vues que vous entreteniez sur les différences entre la Russie et la Porte vous faisaient une impossibilité de seconder consciencieusement les efforts qu’il faisait pour la paix, et que, s’il en avait été autrement, la guerre aurait pu être évitée. » Dans la réponse que fit lord Russell à sir Arthur Gordon, il écrit lui-même : « L’échec des tentatives faites pour empêcher une guerre entre la Grande-Bretagne et la France d’une part et la Russie de l’autre ne venait point de la répugnance de lord Aberdeen à insister sur la signature de la note autrichienne par la Russie ; il était dû à un dissentiment profond (an inconciliable difference) entre lord Palmerston et moi d’une part et de l’autre lord Aberdeen et quelques membres du cabinet. L’empereur de Russie était alors dans un état de frénésie, et rien ne pouvait le contenter que la destruction totale de l’indépendance et de la dignité de la Sublime-Porte. »

Après cet aveu, est-il bien nécessaire de raconter la suite des négociations ? Le parti de la guerre triomphait à Londres, et ce fut lord Russell qui rédigea l’ultimatum qui demandait l’évacuation des principautés par les troupes russes. Nous retrouvons lord John à Vienne pendant les conférences tenues dans l’espoir de mettre fin à la guerre, discutant ce qu’on nommait alors les quatre points avec le prince Gortchakof. Il est intraitable sur les droits de souveraineté de la Porte, soit qu’il s’agisse du gouvernement à donner aux principautés ou du sort des sujets chrétiens du sultan. S’il est question des droits de souveraineté du tsar, il est plus coulant. Quand M. Drouyn de Lhuys (protocole de la conférence du 17 avril 1855) demande si la Russie jugerait ses droits atteints en s’interdisant la