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comme abondante dans les montagnes de la Sabine, près de l’ancienne Norsa ou Nursa. En Provence, j’ai tout lieu de croire que c’est une des formes confondues sous le nom de caieto ou de caieou dans la région d’Apt : ce serait donc, en partie au moins, le tuber moschatum de M. Henri Bonnet, mais non la truffe musquée d’Agen, qui n’appartient pas au genre tuber. Le parfum de cette truffe brumale rappelle celui de la vraie truffe noire, avec un mélange d’odeur caséeuse qui dans certains cas peut aller jusqu’à la fétidité, s’il est vrai, comme on l’assure, que ce soit l’espèce nommée par les paysans de Nérac truffo pudento (truffe puante) et par les Tourangeaux truffe punaise ou truffe fourmi. Peut-être du reste l’odeur est-elle variable chez l’espèce suivant l’âge, les localités, le sol et la race, car dans l’ensemble la truffe en question, bien que de qualité secondaire, ne s’en consomme pas moins en masses considérables, mêlée à dessein ou non à la truffe de Périgord. Près de Montpellier, je l’ai vu cueillir sous le nom d’amarel, tandis que le nom de pudisso ou truffe puante s’applique dans cette région à des trafics à peau lisse (tuber dryophilum) ou à la truffe rousse ou même au genea verrucosa, qui n’est pas une truffe véritable.

Dans la catégorie des vraies truffes à écorce diamantée de tubercules polyédriques, il en est une que M. Chatin appelle tuber hiemalbum, c’est-à-dire truffe blanche d’hiver ; elle se distingue des vraies truffes noires, dont elle a les spores hérissées de pointes, par la couleur blanche de sa chair. Répandue, paraît-il, dans le Périgord, le Languedoc, la Provence et le Dauphiné, on a dû souvent la prendre pour une truffe noire non mûre ou pour une truffe d’été exceptionnellement précoce. Comestible, mais d’une odeur mal définie, elle entre en partie par fraude dans les lots des vraies truffes noires, dont le parfum masque le sien. Une autre espèce hivernale à verrues polyédriques est le pebra ou truffe poivrée des Provençaux (tuber piperatum de M. Henri Bonnet). L’idée de poivre ne s’applique là qu’à la saveur : l’odeur en est très forte, bitumineuse, rappelant assez le pétrole : il faudra comparer l’espèce avec le tuber bituminatum découvert et décrit en Angleterre par MM. Berkeley et Broome.

Les deux principales truffes d’été sont l’estivale proprement dite et la mésentérique, ainsi nommée parce que la fine marbrure de ses veines rappelle les replis gaufrés du mésentère. Toutes deux ont l’écorce verruqueuse et noire, et les spores à surface élégamment guillochée en un réseau d’alvéoles. La dénomination de truffe d’été pourrait faire croire qu’elle ne se rencontre que dans la saison des mois chauds ; or M. Tulasne assure qu’elle se trouve l’automne et l’hiver dans les bois de bouleaux des bords de la Marne, près de Charenton et de Nogent, aussi bien que dans le Poitou. Dans le