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C’est là l’important, le point primordial pour la France ; c’est d’une inspiration pressante, irrésistible, de cette sagesse nécessaire qu’est née la transaction qui a rallié une majorité à la régularisation des pouvoirs publics, qui a préparé la voie au premier cabinet de l’organisation constitutionnelle. Après avoir passé par toutes les épreuves, subi toutes les contestations, cette pensée s’est réalisée dans les seules conditions possibles. Aujourd’hui l’essentiel est fait, les résistances ont été vaincues, les controverses sont épuisées, les institutions sont définies et fixées ; un gouvernement a été créé, il a son nom, sa raison d’être, son chef inviolable, son ministère. La voie est ouverte, il ne reste qu’à la suivre en portant dans l’application du régime nouveau l’esprit qui a présidé au vote laborieux des lois constitutionnelles, un esprit de libérale modération et de conciliation supérieure dans un intérêt national. Que les partis vaincus, pour se faire illusion à eux-mêmes, continuent à brûler leur poudre inutile après le combat, et que, n’ayant pu empêcher l’organisation d’un gouvernement défini, ils s’escriment en polémiques oiseuses pour démontrer que l’article le plus important de la constitution est celui qui permet de la réviser ou de la supprimer, c’est un jeu assez puéril qui ne conduit à rien. Il en résulterait qu’au lieu d’en finir avec l’incertitude, on n’aurait fait que la perpétuer et l’aggraver, qu’en créant des institutions on se serait réservé le droit de les mettre sans cesse en doute sous prétexte d’éclairer M. le président de la république, qui, seul jusqu’en 1880, peut proposer la révision. Ces polémiques de fantaisie sont l’amusement du jour, la dernière ressource des légitimistes et des bonapartistes encore mal remis de leur défaite. C’est une manière de passer les vacances parlementaires.

Pendant ce temps, le pays, qui est un peu moins subtil et qui a d’autres travaux à poursuivre, laisse voir un certain soulagement ; il ne demande pas mieux que de croire à la durée, à l’efficacité du régime qu’on vient de lui donner. Les conseils-généraux, qui se sont réunis tout récemment, se sont faits dans quelques départemens les organes de ces dispositions tranquilles et confiantes. Tout s’est passé le mieux du monde avec quelques réserves des préfets contre l’invasion de la politique dans les conseils locaux. L’assemblée nationale dispersée médite sur le congé dont elle jouit, et qui sera peut-être le dernier avant la dissolution. M. Jules Simon profite des vacances pour aller prononcer des harangues à Montpellier, prêchant la modération à ses amis, les flattant au même instant par des récriminations contre le 24 mai, et oubliant que, si M. Thiers est tombé ce jour-là, celui qui était ministre de l’instruction publique la veille y a été pour quelque chose par un discours peu mesuré contre l’assemblée. N’importe, M. Jules Simon prêche la modération, dont il comprend la nécessité, et tout le monde la prêche avec lui, à Paris comme dans les provinces où déjà l’on voit poindre, à travers la paix profonde du pays, un vague mouvement de candidatures pour le sénat,