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grâce à la surveillance des croisières anglaises, il n’est pas arrivé d’Afrique une seule cargaison nouvelle de « bois d’ébène. » Antérieurement à l’abolition de l’esclavage, le gouvernement de Rio avait essayé déjà d’introduire au Brésil comme auxiliaires du travail d’abord des coulies chinois, puis, après la guerre de sécession aux États-Unis, une émigration des vaincus, les planteurs du sud ; mais cette double tentative, d’un caractère tout factice, avait échoué complètement ; à une grande œuvre nationale il faut des coadjuteurs nationaux.

Les races aborigènes pures, depuis le féroce Coroado des campos jusqu’au paisible Muhdrucu de l’Amazonas, sont également dans une période constante de décroissance, et l’on peut calculer le moment où elles auront à peu près disparu. Il ne reste donc en réalité pour contribuer au travail général de civilisation que la population blanche et les métis. Cette population augmente du reste très rapidement. D’après le recensement du mois d’août 1872, le nombre total des habitans du Brésil serait de 10 millions environ, dont un peu plus de 8 millions de blancs de toute nuance, 1, 700,000 esclaves et 200,000 Indiens. En 1819, sur un chiffre de 3,617,000 âmes, on ne comptait que 843,000 blancs et 628,000 métis contre 1,800,000 noirs et 260,000 Peaux-Rouges ; encore est-il vraisemblable que pour ces derniers, alors moins bien connus qu’aujourd’hui, l’évaluation était demeurée fort au-dessous de la réalité.

Bien que dominante, la race blanche, au vrai sens du mot, ne forme pourtant qu’une faible partie de la population, et dans l’intérieur surtout il y a peu de familles brésiliennes pures qui se puissent glorifier de descendre des premiers émigrans portugais. Elles offrent d’ailleurs à première vue un caractère physique assez distinct : la peau chez elles est plus foncée, la stature moins haute, les allures plus fines et plus souples. Les habitans des provinces méridionales, telles que Minas, Santo-Paulo et Rio-grande-do-Sul, sont en général d’une prestance plus belle, montrent plus d’activité, et se rapprochent mieux du type européen que ceux du nord, chez lesquels l’élément indien est plus visible. Au demeurant, le type caucasien paraît devoir à la longue absorber tous les autres types par le retour graduel du métis à la race blanche. L’essentiel est donc de dresser l’Indien semi-civilisé et le métis au travail sédentaire et aux habitudes régulières de la vie agricole et industrielle ; il faut combattre leur indolence taciturne et leur amour du far niente en leur créant des besoins qu’ignore leur nature enfantine et plus que frugale. Le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de transformer le monde autour d’eux par la multiplication des débouchés, le morcellement successif des propriétés, les mille bruits et