viendront. Le centre droit nous aura délivrés des bonapartistes, le suffrage universel nous délivrera du centre droit : nous aurons la majorité, et alors nous ferons ce que nous voudrons ; nous constituerons la vraie république des républicains, la république radicale ! — Eh bien ! si M. Gambetta se livrait plus ou moins à cette diplomatie, il serait la dupe de son habileté, et il exposerait le régime qu’il préfère à un prompt retour de fortune. Il est certainement intéressé pour le succès de ses idées à être sincère dans sa modération. Lorsque M. Thiers parlait un jour de faire la république sans les républicains, il exprimait sous une forme piquante une pensée profonde. Il voulait dire, non point à coup sûr que les républicains devaient être exclus du gouvernement, mais qu’ils ne devaient pas dominer, que le jour où ils seraient les maîtres la république serait perdue. Elle ne serait plus bientôt qu’une œuvre de parti ou de faction entraînée rapidement vers les excès, provoquant la coalition de tous les instincts conservateurs. C’est alors que M. Gambetta n’aurait plus la liberté, de « couper cette queue » dont il parle et dont il ne veut pas se séparer. Il ne serait que l’otage de ceux à qui il peut faire entendre aujourd’hui le langage de la raison, parce qu’il s’appuie à un régime gouverné par des conservateurs. Il serait emporté par la logique des passions qu’il aurait déchaînées. La république durerait sans doute encore assez pour bouleverser la France, pour attirer sur elle de nouveaux et effroyables malheurs, elle n’aurait plus qu’une existence bornée et déshonorée.
C’est une histoire invariable, claire comme le jour. La république par elle-même n’a certes rien que de simple et de rationnel, elle ne rencontre pas une opposition systématique parmi les esprits sérieux. Ses plus dangereux ennemis, ce sont les républicains, ou du moins ce sont ceux qui la compromettent par leurs préjugés ou leur fanatisme ; ce sont ceux qui la représentent sans cesse sous la figure du passé, qui la coiffent d’un bonnet phrygien, qui seraient toujours prêts à la faire persécutrice et tyrannique, qui voudraient contraindre tout le monde à se signer devant leur idole. Est-ce qu’on ne connaît pas de ces hommes ? La république est pour eux un fétiche, ils la voient dans leurs rêves, ils veulent avoir son portrait dans leurs conseils ; ils barbouilleraient les murs de son effigie, au risque de finir par la rendre agaçante et odieuse, ils mettraient partout son nom à la place du nom de la France. M. Gambetta en était encore là il y a quelques années dans son discours de Grenoble, il en est revenu, et ce qu’il a de mieux à faire, c’est de montrer que sa modération d’aujourd’hui n’est point un jeu, que l’expérience lui a servi. Qu’on suppose un instant les « vrais » républicains, ceux qui attendent toujours leur heure, dirigeant les affaires du pays depuis 1871, maîtres du pouvoir avec leurs idées, leurs entraînemens, leurs connivences et leurs faiblesses : rien n’est plus clair, tout serait déjà fini. La meilleure chance de la république après 1870 a été de