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combiné de deux causes distinctes : le manque d’oxygène et les variations brusques de la pression. Les expériences de M. Paul Bert ont mis en pleine lumière l’influence de la densité de l’oxygène et celle de la pression atmosphérique sur les phénomènes de la vie. Dans l’air au niveau de la mer, l’oxygène a la densité 0,21 ; quand cette densité diminue soit par suite de la raréfaction de l’air, soit par suite d’une consommation d’oxygène (comme dans le cas d’un animal confiné sous une cloche), le sang ne s’assimile plus la dose d’oxygène nécessaire à la circulation. Dès que la densité du gaz vital descend à 0,04, c’est-à-dire à un cinquième de la densité normale 0,21, la mort a lieu par asphyxie, quelle que soit d’ailleurs la pression à laquelle a lieu l’expérience[1]. On comprend que des symptômes fâcheux se déclarent bien avant que cette limite soit atteinte, et c’est pour les prévenir que M. Bert a imaginé de faire emporter par les aéronautes des ballonnets remplis d’oxygène et munis de tubes d’aspiration. Malheureusement la provision emportée par le Zénith n’était que de 120 litres, à peine de quoi respirer pendant vingt minutes, et l’état de prostration où étaient tombés MM. Sivel et Crocé-Spinelli a dû les empêcher de recourir à l’aspirateur lorsqu’il en était temps. Plus graves peut-être encore étaient les conséquences des variations brusques de la pression à ces hauteurs dangereuses où s’était élancé le Zénith. Les hémorrhagies pulmonaires et nasales, qui sont un des symptômes du mal de montagne, et qui ont été observées plus d’une fois dans les ascensions aérostatiques, sont causées par la diminution de la pression extérieure et par la dilatation des gaz du sang. Déjà, lorsqu’on s’élève à 3,000 mètres, beaucoup de personnes éprouvent des troubles physiologiques dus à cette cause : bruissement des oreilles, sensation de vertige, etc. Ce vertige n’est pas du tout ce qu’on éprouve quand, placé au sommet d’une tour, on regarde le sol ; c’est un vertige physiologique produit par le trouble de la circulation cérébrale. Les gaz du sang, se trouvant subitement à une tension supérieure à la pression de l’air, tendent à s’échapper ; de même le sang semble faire effort pour briser les vaisseaux qui le retiennent, et il survient des congestions multiples dans le cerveau, les poumons et le foie. Il est même probable que cette

  1. Lorsqu’il ne reste plus dans l’air confiné à la pression ordinaire que 4 pour 100 d’oxygène, l’animal en a consommé 17 pour 100, qui ont été remplacés par 17 pour 100 d’acide carbonique. Cette proportion d’acide carbonique, sans être absolument inoffensive, n’entraîne cependant pas la mort ; les expériences que M. Bert a faites avec de l’air comprimé prouvent que l’acide carbonique devient mortel quand la densité de ce gaz dépasse 0,26, par conséquent lorsqu’il excède la proportion de 26 centièmes dans l’air à la pression ordinaire. En résumé, la mort a lieu par asphyxie dans l’air confiné : 1o pour des pressions inférieures à une atmosphère, quand la densité de l’oxygène ambiant descend au-dessous de 0,04 ; 2o pour des pressions supérieures à 2 atmosphères, quand la densité de l’acide carbonique exhalé dépasse 0,26 ; 3o pour une pression de 1 à 2 atmosphères, les deux limites se rapprochent, et la mort paraît avoir lieu à la fois par privation d’oxygène et par excès d’acide carbonique.