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n’avait rien à craindre de ses adversaires, car, maître du pont de bateaux qui reliait Harpers-Ferry à la rive opposée, il pouvait concentrer toutes ses forces sur les Maryland-Heights et s’y maintenir presque indéfiniment. Il aurait pu même attaquer Mac-Laws avec une grande supériorité numérique et peut-être l’écraser avant que Jackson, séparé de son lieutenant par le fleuve, eût pu le secourir ; mais dès l’abord l’incapacité de Miles et la faiblesse de ses subordonnés vinrent jeter le trouble dans la défense et le découragement dans tous les cœurs. A peu de distance des Maryland-Heights se trouve un défilé très difficile, appelé Solomons-Gap, où l’on aurait pu arrêter Mac-Laws fort longtemps. Miles ne voulut pas l’occuper. Il n’avait rien fait pour fortifier les Maryland-Heights, quoique, avant la campagne de la péninsule, des instructions spéciales de Mac-Clellan eussent déjà prescrit cette mesure ; il ne fournit même pas les outils nécessaires pour improviser des parapets, et se contenta de laisser en ce lieu le colonel Ford avec 2,000 ou 3,000 hommes, sans lui donner aucune direction. Prenant au pied de la lettre les ordres de Halleck, il s’enferma obstinément dans la ville même de Harpers-Ferry, et, pour s’y mieux concentrer, il ne craignit pas de sacrifier les Maryland-Heights, qui en sont la citadelle.

Le samedi 13 au matin, Mac-Laws attaquait cette position. L’arête du South-Mountain, en s’abaissant vers le Potomac, forme des échelons successifs. Le dernier, qui commande le fleuve en face de Harpers-Ferry, porte seul le nom de Maryland-Heights. A une certaine distance en arrière se trouve une crête plus élevée, qui se prolonge au nord jusqu’à Solomons-Gap. Les fédéraux avaient coupé cette crête par un épaulement de bois construit à la hâte. L’extrémité septentrionale n’était occupée que par un poste insignifiant, que Mac-Laws culbuta en s’emparant du défilé. Il suivit la crête, rencontra les fédéraux accourus au-devant de lui, et les repoussa en désordre jusque dans leurs retranchemens. Après avoir reçu quelques renforts, il reprit l’attaque vers neuf heures du matin. Les unionistes, protégés par l’épaulement, infligent d’abord aux assaillans des pertes sensibles ; mais bientôt ils cèdent à une honteuse panique et s’enfuient vers l’échelon inférieur, en livrant à l’ennemi la position qu’il leur était facile de défendre indéfiniment. Ford chercha en vain à la reprendre : ses soldats ne purent gravir, sous le feu de l’ennemi, les pentes que leurs camarades venaient de descendre si rapidement. Néanmoins il demeura maître des Maryland-Heights, et ses adversaires, ne profitant pas de l’avantage ainsi conquis, laissèrent passer le reste de la journée sans l’inquiéter sérieusement : Mac-Laws ne voulait pas s’avancer trop loin