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reste de son corps : il perd ainsi deux heures précieuses. A droite, Sumner arrive à Dunker-Church, et, frappé de la désorganisation des troupes de Sedgwick, il prend sur lui d’interdire à Franklin la grande attaque que celui-ci allait commencer. En vain Franklin lui en montre-t-il l’urgence ; le vieux soldat, qui était aussi obstiné que brave, le retient en place avec tout son monde pour repousser une attaque présumée de l’ennemi, qui n’y songeait guère cependant. Enfin au centre Mac-Clellan, trompé, comme devant Richmond, par les exagérations des espions et des déserteurs, sur le nombre de ses ennemis[1], garde en réserve la plus grande partie du corps de Porter, afin de parer à un retour offensif des confédérés. Deux corps, c’est-à-dire près de 25,000 hommes, restent ainsi sans être sérieusement engagés dans un moment où Lee a envoyé au feu jusqu’à son dernier homme.

Néanmoins, si Burnside avait suivi plus exactement les instructions de son chef, s’il avait dès le matin fait une attaque générale, et si, après avoir passé l’Antietam, il n’avait pas tardé deux heures à reprendre l’offensive, il aurait certainement placé Lee dans une situation fort périlleuse ; mais ces deux heures ont donné à A. P. Hill, qui arrive de Harpers-Ferry avec sa belle et nombreuse division, le temps de passer le Potomac et de venir prendre part au combat. Il est trois heures. Burnside pousse déjà devant lui la faible brigade de Toombs et gagne rapidement du terrain. Il a gravi les collines qui séparent l’Antietam du plateau de Sharpsburg : l’artillerie ennemie va tomber entre ses mains, il est déjà presque dans la ville, au sud de laquelle Longstreet s’efforce de reformer son monde, quand A. P. Hill tombe subitement sur son flanc gauche. Le combat change aussitôt de face : la lutte sur ces collines devient des plus violentes, et les fédéraux, surpris de cette résistance nouvelle, s’arrêtent, pour reculer bientôt après.

Cependant aucune diversion ne se fait à la droite, qui à son tour demeure immobile. Voyant l’état dans lequel se trouvent les corps de Hooker, de Mansfield, de Sumner, Mac-Clellan se range à l’avis de ce dernier, et, contremandant toute attaque de ce côté, il n’emploie les troupes de Franklin qu’à rectifier et à consolider sa ligne. C’est donc à gauche, sur Burnside, que porte maintenant tout l’effort de l’ennemi. Les quatre petites divisions de ce corps, qui ne comptaient guère plus de 3,000 hommes chacune, sont ainsi placées : Wilcox à droite, Rodman à gauche de la route, Cox en seconde ligne de manière à les soutenir tous deux, enfin Sturgis près du pont.

  1. Le général Mac-Clollan, dans son rapport, évalue l’armée confédérée au chiffre de 97,445 hommes. Si Lee avait eu réellement une pareille force sous ses ordres, les dispositions de son adversaire, loin d’être trop prudentes, eussent pu à bon droit être taxées de témérité.