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estimer à 3,500, ce qui, d’après le compte même du général en chef de l’armée confédérée, porterait ses pertes dans les cinq jours à 14,000 hommes, dont les quatre cinquièmes au moins appartiennent à la dernière journée.

Ces pertes matérielles étaient cependant plus faciles à réparer que le dommage moral que l’échec de l’armée de Lee fit éprouver à la cause confédérée. Elle avait sans doute, par son courage et sa ténacité, évité un grand désastre ; mais elle n’avait pu maintenir la victoire sous ses drapeaux. La bataille du 17 était pour elle une défaite au triple point de vue de la tactique, de la stratégie et de la politique. Sur le champ de bataille, elle avait fini par perdre dans toute l’étendue de sa ligne, depuis Dunker-Church jusqu’au dernier pont de l’Antietam, un terrain considérable ; elle y avait laissé des canons, des drapeaux et plusieurs milliers de prisonniers. Le soir du 17, elle était tellement éprouvée qu’elle ne pouvait songer à reprendre l’offensive : le retour en Virginie était devenu une nécessité. Enfin les résultats politiques de la bataille de l’Antietam n’étaient pas moindres : les confédérés étaient obligés d’abandonner le dernier pouce de terrain qu’ils occupaient dans le Maryland, ils cessaient de menacer la Pensylvanie, et, au lieu d’avoir obtenu par un coup d’éclat la reconnaissance des neutres, ils avaient prouvé qu’ils perdaient leur principale force en prenant l’offensive.

L’erreur que Lee expia par cette grande défaite est évidente, et on peut en suivre les conséquences à travers les événemens que nous venons de raconter. Cette erreur fut de diviser son armée pour prendre Harpers-Ferry en présence de Mac-Clellan, et de trop compter sur les lenteurs de son adversaire. S’il n’avait pas ainsi partagé ses forces, il aurait eu le choix, ou de livrer la bataille décisive dans des conditions bien plus favorables sur les pentes escarpées de South-Mountain, ou de continuer avec tout son monde la campagne sur le Haut-Potomac. Les fautes de ses ennemis réparèrent en partie les siennes. A la faveur de la honteuse capitulation de Miles, des retards de Franklin le 14 et le 15, et des délais qui ne permirent pas à Mac-Clellan de l’attaquer le 16, il put réunir tout son monde le 17 sur le champ de bataille. Cependant l’issue du combat eût peut-être été différente, si, au lieu d’arriver à trois heures de l’après-midi, A. P. Hill avait pu prendre part à la lutte dès le matin et joindre ses efforts à ceux qui continrent si longtemps la droite fédérale. Si Mac-Clellan n’obtint pas une victoire plus décisive, s’il ne profita pas de cette occasion pour porter à Lee un coup irréparable, on peut attribuer à plusieurs causes ce non-succès relatif. La première se trouve dans l’état moral de ses troupes. L’armée qu’on venait de lui confier se composait en partie des vaincus de Manassas, et pour le reste de soldats levés depuis une ou deux semaines