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seulement, qui n’avaient jamais marché, jamais vu le feu, qui ne connaissaient ni leurs chefs ni leurs camarades. Ils se battirent avec une grande bravoure, mais on ne pouvait demander à ces hommes ce que Lee obtenait des siens. Leurs rangs n’avaient pas cette cohésion qui permet de profiter sans retard d’un premier succès. On peut reprocher aux généraux unionistes d’avoir divisé leurs efforts sur la droite en attaques successives et d’en avoir ainsi affaibli l’efficacité. Les corps de Hooker, de Mansfield et de Sumner, c’est-à-dire une force de 40,000 à 44,000 hommes, au lieu d’être engagés l’un après l’autre durant l’espace de quatre heures, auraient pu se réunir pour frapper ensemble la gauche confédérée, qu’ils auraient sans doute écrasée. Mac-Clellan et plusieurs de ses lieutenans s’exagérèrent aussi, nous le répétons, le nombre de leurs adversaires, et cette erreur arrêta Franklin et Porter, dont l’intervention à la fin de la bataille eût été irrésistible. Enfin Burnside, par sa longue inaction, renversa tous les plans de Mac-Clellan, permit à Lee de porter toutes ses forces à sa gauche, et priva ainsi les fédéraux des principaux avantages qu’une conduite plus énergique de sa part leur aurait certainement assurés.

Le soleil du 18 septembre vint éclairer une de ces scènes de souffrances et d’angoisses qui confondent l’orgueil de l’homme par le spectacle de sa faiblesse et de sa cruauté ; 20,000 hommes, tués ou blessés la veille, gisaient sur cet étroit champ de bataille. Leurs camarades étaient épuisés par la lutte, la fatigue, la privation de sommeil et de nourriture.

Mac-Clellan avait bien songé à reprendre l’offensive ce même jour, à faire de nouveaux et peut-être de plus grands sacrifices pour compléter la victoire si chèrement achetée la veille. Plusieurs généraux, Franklin entre autres, le lui demandaient. D’autres, comme Sumner, le détournaient d’une résolution aussi hardie. Cette attaque offrait des chances sérieuses de succès ; mais avec des troupes novices les paniques, les accidens imprévus, étaient toujours à craindre et pouvaient compromettre tous les résultats déjà obtenus : la Pensylvanie protégée, Washington dégagé, l’invasion définitivement repoussée. Le général unioniste ne voulut pas courir ce risque. Son devoir, comme chef et comme citoyen, lui commandait de ne frapper désormais qu’à coup sûr, « car, dit-il lui-même, une bataille perdue aurait tout perdu. » L’armée du Potomac était fort réduite, non-seulement par l’absence des soldats tués, blessés ou pris, mais surtout par la désorganisation des corps qui avaient le plus souffert dans la bataille. Ainsi celui de Hooker, qui, sur 14,856 hommes, en avait eu 2,619 mis hors de combat, n’en comptait, le 18 au matin, que 6,729 sous les drapeaux. D’importans