Cette seconde hypothèse affecta ainsi dès son début une forme exclusivement matérialiste ; mais, chose remarquable, les philosophes les plus convaincus de la spiritualité de l’âme, tels que Descartes et Leibniz, ne devaient pas tarder d’adopter une façon de voir analogue qui attribuait au jeu des forces brutes toutes les manifestations saisissables de l’activité vitale. La raison de cette apparente contradiction réside dans la séparation presque absolue qu’ils établirent entre l’âme et le corps. Descartes a donné une définition métaphysique de l’âme et une définition physique de la vie. L’âme est le principe supérieur qui se manifeste par la pensée, la vie n’est qu’un effet supérieur des lois de la mécanique. Le corps humain est une machine formée de ressorts, de leviers, de canaux, de filtres, de cribles, de pressoirs. Cette machine est faite pour elle-même ; l’âme s’y ajoute pour contempler en simple spectatrice ce qui se passe dans le corps, mais elle n’intervient en rien dans le fonctionnement vital. Les idées de Leibniz, au point de vue physiologique, ont beaucoup d’analogie avec celles de Descartes. Comme lui, il sépare l’âme du corps, et, quoiqu’il admette entre eux une concordance préétablie par Dieu, il leur refuse toute espèce d’action réciproque. « Le corps, dit-il, se développe mécaniquement, et les lois mécaniques ne sont jamais violées dans les mouvemens naturels ; tout se fait dans les âmes comme s’il n’y avait pas de corps, et tout se fait dans le corps comme s’il n’y avait pas d’âme. »
Stahl comprit tout autrement la nature des phénomènes de la vie et les rapports de l’âme et du corps. Dans les actes vitaux, il rejette toutes les explications qui leur seraient communes avec les phénomènes mécaniques, physiques et chimiques de la matière brute. Célèbre chimiste lui-même, il combat avec beaucoup de puissance et d’autorité surtout les exagérations des médecins-chimistes ou iatro-chimistes, tels que Sylvius de Le Boë, Willis, etc., qui expliquaient tous les phénomènes de la vie par des actions chimiques : fermentations, alcalinités, acidités, effervescences. Il soutient que non-seulement les forces chimiques sont différentes des forces qui régissent les phénomènes de la vie, mais qu’elles sont en antagonisme avec elles, et qu’elles tendent à détruire le corps vivant au lieu de le conserver. Il faut donc, suivant Stahl, une force vitale qui conserve le corps contre l’action des forces chimiques extérieures qui tendent sans cesse à l’envahir et à le détruire ; la vie est le triomphe de celles-ci sur celles-là. Par ces idées, Stahl fonda le vitalisme ; mais il ne s’arrêta pas à ce terme : ce n’était qu’un premier pas dans la voie qui devait le conduire à l’animisme. Cette force vitale, dit-il, qui sans cesse lutte contre les forces physiques, agit avec intelligence, dans un dessein calculé, pour la