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conservation de l’organisme. Or, si la force vitale est intelligente, pourquoi la distinguer de l’âme raisonnable ? Basile Valentin et son disciple Paracelse avaient multiplié sans mesure l’existence de principes immatériels intelligens, les archées, qui réglaient les phénomènes du corps vivant. Van-Helmont, le plus célèbre représentant de ces doctrines archéiques, qui allia avec le génie expérimental l’imagination la plus déréglée dans ses écarts, avait conçu toute une hiérarchie de ces principes immatériels. Au premier rang se trouvait l’âme raisonnable et immortelle se confondant en Dieu, ensuite l’âme sensitive et mortelle, ayant pour agent un autre archée principal, qui lui-même commandait à une foule d’archées subalternes, les blas. Stahl, qui à un siècle de distance est le continuateur de Van-Helmont, simplifie toutes ces conceptions de principes intelligens, d’esprits recteurs ou d’archées. Il n’admet qu’une seule âme, l’âme immortelle, chargée en même temps du gouvernement corporel. L’âme est pour lui le principe même de la vie. La vie est un des modes de fonctionnement de l’âme, c’est son acte vivifique. L’âme immortelle, force intelligente et raisonnable, gouverne directement la matière du corps, la met en œuvre, la dirige vers sa fin. C’est elle qui non-seulement dicte nos actes volontaires, mais c’est elle qui fait battre le cœur, circuler le sang, respirer le poumon, sécréter les glandes. Si l’harmonie de ces phénomènes est troublée, si la maladie survient, c’est que l’âme n’a pas rempli ses fonctions, ou n’a pu résister efficacement aux causes extérieures de destruction. Une semblable doctrine avait quelque chose d’étrange et de contradictoire, car l’action d’une âme raisonnable sur les actes vitaux semble supposer une direction consciente, et l’observation la plus simple nous apprend que toutes les fonctions de nutrition, — circulation, sécrétions, digestion, etc., — sont inconscientes et involontaires, comme si, selon l’expression d’un physiologiste philosophe, la nature avait voulu par prudence soustraire ces importans phénomènes aux caprices d’une volonté ignorante. L’animisme de Stahl était donc empreint d’une exagération qui porta ses successeurs, sinon à l’abandonner, au moins à le modifier profondément.

Les idées de Descartes et celles de Stahl avaient fait dans la science une impression profonde et créé deux courans qui devaient arriver jusqu’à nous. Descartes avait posé les premiers principes et appliqué les lois mécaniques au jeu de la machine du corps de l’homme ; ses adeptes étendirent et précisèrent les explications mécaniques des divers phénomènes vitaux. Parmi les plus célèbres de ces iatro-mécaniciens, il faut citer au premier rang Borelli, ensuite Pitcairn, Hales, Keil, surtout Boerhaave, dont l’influence fut prépondérante. De son côté, l’iatro-chimie, qui n’est qu’une face de