en rattachant ses manifestations aux propriétés de ces mêmes tissus, les a, si l’on veut, placés sous la dépendance d’un principe encore métaphysique, mais moins élevé en dignité philosophique, et pouvant devenir une base scientifique plus accessible à l’esprit de recherche et de progrès. Bichat, en un mot, s’est trompé, comme les vitalistes ses prédécesseurs, sur la théorie de la vie ; mais il ne s’est pas trompé sur la méthode physiologique. C’est sa gloire de l’avoir fondée en plaçant dans les propriétés des tissus et des organes les causes immédiates des phénomènes de la vie.
Les idées de Bichat produisirent en physiologie et en médecine une révolution profonde et universelle. L’école anatomique en sortit, poursuivant avec ardeur dans les propriétés vitales des tissus sains et altérés l’explication des phénomènes de la santé et de maladie. D’un autre côté les progrès des méthodes physiques, les découvertes brillantes de la chimie moderne, jetant une vive lumière sur les fonctions vitales, venaient chaque jour protester contre la séparation et l’opposition radicales que Bichat, ainsi que les vitalistes, avait cru voir entre les phénomènes organiques et les phénomènes inorganiques de la nature.
C’est ainsi que nous trouvons encore près de nous dans Bichat et dans Lavoisier les représentans des deux grandes tendances philosophiques opposées que nous avons démêlées dès l’antiquité, à l’origine même de la science, l’une cherchant à réduire les phénomènes de la vie aux lois de la chimie, de la physique, de la mécanique, l’autre voulant au contraire les distinguer et les placer sous la dépendance d’un principe particulier, d’une puissance spéciale, quel que soit le nom qu’on lui donne, d’âme, d’archée, de psyché, de médiateur plastique, d’esprit recteur, de force vitale ou de propriétés vitales. Cette lutte, déjà si vieille, n’est donc pas encore finie ; mais comment devra-t-elle finir ? L’une des doctrines arrivera-t-elle à triompher de l’autre et à dominer sans partage ? Je ne le pense pas. Les progrès des sciences ont pour résultat d’affaiblir graduellement, et dans une égale mesure, ces premières conceptions exclusives nées de notre ignorance. L’inconnu faisant seul leur force, à mesure qu’il disparaît, les luttes doivent cesser, les doctrines opposées s’évanouir, et la vérité scientifique qui les remplace régner sans rivale.
II.
Nous pouvons dire de Bichat, comme de la plupart des grands promoteurs de la science, qu’il a eu le mérite de trouver la formule pour les conceptions flottantes de son temps. Toutes les idées de