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nomènes, sont susceptibles d’un déterminisme aussi rigoureux dans les sciences des corps vivans que dans les sciences des corps bruts. Il n’y a aucune différence scientifique dans tous les phénomènes de la nature, si ce n’est la complexité ou la délicatesse des conditions de leur manifestation qui les rendent plus ou moins difficiles à distinguer et à préciser. Tels sont les principes qui doivent nous diriger. Aussi conclurons-nous sans hésiter que la dualité établie par l’école vitaliste dans les sciences des corps bruts et des corps vivans est absolument contraire à la science elle-même. L’unité règne dans tout son domaine. Les sciences des corps vivans et celles des corps bruts ont pour base les mêmes principes et pour moyens d’études les mêmes méthodes d’investigation.


III.

Si les doctrines vitalistes ont succombé par l’erreur essentielle de leur principe de dualisme ou d’antagonisme entre la nature vivante et la nature inorganique, le problème subsiste toujours. Nous avons à répondre à cette question séculaire : qu’est-ce que la vie ? ou encore à cette autre : qu’est-ce que la mort ? car ces deux questions sont étroitement liées et ne sauraient être séparées l’une de l’autre.

L’être vivant est essentiellement caractérisé par la nutrition. L’édifice organique est le siège d’un perpétuel mouvement nutritif, mouvement intestin qui ne laisse de repos à aucune partie ; chacune, sans cesse ni trêve, s’alimente dans le milieu qui l’entoure et y rejette ses déchets et ses produits. Cette rénovation moléculaire est insaisissable pour le regard direct ; mais, comme nous voyons le début et la fin, l’entrée et la sortie des substances, nous en concevons les phases intermédiaires, et nous nous représentons un courant de matières qui traverse continuellement l’organisme et le renouvelle dans sa substance en le maintenant dans sa forme. Ce mouvement, qu’on a appelé le tourbillon vital, le circulus matériel entre le monde organique et le monde inorganique, existe chez la plante aussi bien que chez l’animal, ne s’interrompt jamais et devient la condition et en même temps la cause immédiate de toutes les autres manifestations vitales. L’universalité d’un tel phénomène, la constance qu’il présente, sa nécessité, en font le caractère fondamental de l’être vivant, le signe plus général de la vie. On ne sera donc pas étonné que quelques physiologistes aient été tentés de le prendre pour définir la vie elle-même.

Toutefois ce phénomène n’est pas simple ; il importe de l’analyser, d’en pénétrer plus profondément le mécanisme, afin de préciser l’idée que son examen superficiel peut nous donner de la vie. Le