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L'INSTRUCTION SUPERIEURE
EN SUEDE

Au temps de Goethe et de Schiller, quand brillait cette illustre pléiade d’écrivains qui ont marqué l’âge d’or de la littérature germanique, on savait nous rendre justice en Allemagne. Les grands esprits d’alors étaient impartiaux : beaucoup d’entre eux aimaient la France, tous admiraient son génie. Aujourd’hui, orgueilleux de leurs triomphes comme aux plus glorieuses époques de notre histoire nous ne l’avons jamais été, les Allemands s’enivrent de leurs propres louanges, et n’ont que du mépris pour qui n’a pas eu le bonheur de naître entre l’Oder et le Rhin. S’ils daignent s’occuper de la France, c’est pour faire un parallèle blessant entre nos vices et leurs vertus, nos faiblesses et leurs grandeurs, notre ignorance et leur science. Sur ce dernier point surtout, l’orgueil de nos voisins n’a plus de bornes. L’éloge de la science allemande est un lieu-commun qui alterne dans leur bouche avec l’éloge de la vertu ou de la bravoure allemande. A les entendre, il semble que les Français, peuple léger et vaniteux, n’ont pas reçu en partage la puissance intellectuelle nécessaire pour se livrer aux profondes recherches, gründliche Forschungen, dont les savans allemands sont si fiers. Pour apprécier ce que valent ces allégations, il suffit de jeter un coup d’œil en arrière sur l’histoire de notre pays. Ceux qui seraient tentés de croire à l’infériorité de la race latine et particulièrement française verront que jusqu’à la fin du siècle dernier la France tenait le premier rang en Europe, aussi bien pour les sciences que pour la littérature. La décadence des hautes études ne dérive pas de causes essentielles et irrémédiables : les travaux de nos savans d’autrefois et de ceux d’aujourd’hui apportent au contraire la preuve