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est puissamment stimulée, et les familles humaines prospèrent sans effort. La côte du Brésil devient en effet plus salubre en remontant vers l’équateur, et la malaria disparaît complètement à la hauteur de Pernambuco ; c’est qu’au nord de Rio la Serra-do-Mar s’abaisse, le pays s’ouvre aux vents du large et se déploie en plaines verdoyantes qui rappellent les campagnes de l’Angleterre.

Au reste dans l’hémisphère sud les vents généraux, alizés et vents d’ouest, sont beaucoup plus constans et plus puissans que les vents de l’hémisphère nord. Quand les grands clippers de l’Australie entrent dans les régions de ces braves vents d’ouest (brave west winds), ils font jusqu’à 150 milles et plus par jour, tandis que dans l’Atlantique les vents d’ouest ne produisent qu’un maximum de 100 milles. Cette puissance d’impulsion se retrouve dans les alizés du sud-est, dont le domaine a d’ailleurs une largeur de 3,000 kilomètres, tandis que la zone des alizés du nord-est n’a pas 2,000 kilomètres de largeur. Enfin dans les mers du sud la proportion des calmes est beaucoup plus faible que dans celles de l’hémisphère nord. Maury résume ces faits en comparant la vitesse qui entraîne l’atmosphère dans l’hémisphère sud à la marche d’un train express, tandis que dans l’hémisphère nord l’air ne marche qu’avec la vitesse d’un train omnibus, train pour lequel il y a des gares nombreuses et des temps d’arrêt. La rapidité et la constance de la circulation atmosphérique dans cet hémisphère presque entièrement couvert par les eaux paraissent donc être les conditions déterminantes de la salubrité des terres australes[1]. Quand la malaria apparaît dans ces parages, on trouve toujours soit des centres d’aspiration ou des zones de calme, comme à Java et dans la-partie nord de l’Australie, soit des obstacles à la propulsion du vent, tels que des chaînes de montagnes, comme à Madagascar. Dans ces cas, l’impulsion des courans atmosphériques se ralentit, et ils perdent leurs propriétés vivifiantes. À la Plata, c’est dans les vallées du Tucuman, de Salta, de Jujuy, ravines profondes dominées par de puissans contre-forts des Andes, que l’on rencontre les fièvres ; mais la vaste plaine nivelée où sont contenus les territoires du Chaco, de Corrientes, de Cordova, de Buenos-Ayres, comme les plaines ondulées qui constituent une partie de l’Uruguay, des missions du Paraguay, et des provinces brésiliennes de Parana, de Minas-Géraès, de Rio-Grande-do-Sul, sont d’une salubrité parfaite.

L’Australie offre la même salubrité dans ses immenses plaines intérieures, ce n’est qu’au-delà du tropique, dans la partie nord de ce vaste

  1. La salubrité relative des contrées tropicales de l’hémisphère sud ressort aussi des tableaux statistiques de Boudin, qui prouvent que la mortalité des Européens dans ces régions est supérieure non-seulement à celle des régions tropicales de l’hémisphère nord, mais encore à celle des pays tempérés de l’Europe. (Armand, Traité de climatologie générale, 1873.)