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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/469

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démontrée par l’épidémie de 1871. Ce sont évidemment les causes d’infection urbaine qui ont modifié la constitution médicale de ces climats, autrefois si salubres, et il ne faut pas s’étonner que des villes comme Rio-Janeiro, Buenos-Ayres, Lima, la Nouvelle-Orléans, soient des foyers de maladies typhiques depuis qu’elles sont devenues des fourmilières humaines où l’espace, l’air et l’eau sont distribués avec une déplorable parcimonie.

D’un autre côté, l’abandon des travaux agricoles a eu également une influence néfaste sur ces climats : des rivages qui étaient couverts de villes, de villages et de cultures soignées à l’époque de l’arrivée des Espagnols sont aujourd’hui très insalubres et envahis par des forêts à peu près désertes. On a supposé, pour expliquer ces changemens, que les Indiens possédaient à l’égard de la malaria une résistance bien plus grande que n’en montrent les émigrans européens de nos jours. Cependant nous savons que les fièvres se sont établies, au déclin de l’empire romain, dans la Sicile, dans le Péloponèse, dans l’Asie-Mineure, et il ne vient à l’esprit de personne d’en chercher la raison dans une diminution de la force de résistance de la race grecque ou latine. On sait aussi que la malaria naît et disparaît dans les pays chauds avec les grands bouleversemens comme l’invasion des barbares au Ve siècle ou la conquête arabe au VIIe siècle ; de nos jours, nous en constatons l’apparition dans un district à la suite de la rupture d’une écluse, du curage d’un étang, de la formation d’une barre à l’embouchure d’une rivière, et personne ne songe à voir là un symptôme de la dégénérescence des habitans. La vérité, c’est qu’un rapport des plus intimes existe partout, et surtout dans les pays chauds, entre le sol et l’atmosphère ; le travail de l’homme, en déchirant les flancs de la terre par la culture, en l’aérant par les labours, en y semant des plantes herbacées annuelles à la verdure rapide et vivace, et, — chose essentielle, — en régularisant le régime des cours d’eau, finit par créer une atmosphère plus salubre. C’est ainsi qu’il est permis d’espérer que le développement de l’agriculture pourra sensiblement améliorer le climat de notre colonie africaine, où la terre arable abonde, où le soleil est des plus généreux, où il ne manque qu’une atmosphère plus riche en ozone et en vapeur d’eau. En couvrant le pays de végétation à feuilles tendres comme celles des céréales, du coton, de la vigne, en reboisant les hauteurs, en multipliant les irrigations, on serait sûr d’apporter au climat du Tell algérien d’heureux changemens et d’atténuer dans une forte mesure les inconvéniens qui résultent du voisinage du Sahara et de l’insuffisance de la ventilation naturelle.


R. RADAU.