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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 mai 1875.

Que se passe-t-il donc depuis quelques jours en Europe ? quels souffles étranges ont traversé l’atmosphère ? On dirait en vérité qu’il y a par instans des épidémies de mauvais bruits, des contagions de panique.

La veille encore, les gens paisibles du continent, et ils sont nombreux, vivaient dans une certaine quiétude, sans penser à mal ; le lendemain l’alarme est partout sur la foi d’une correspondance adressée de Paris à un journal étranger. Le Times a lancé sa lettre à « sensation, » et voilà les imaginations en éveil ! Les moindres faits sont interprétés avec une curiosité fiévreuse. Les intentions des gouvernemens deviennent des énigmes qu’on interroge passionnément. Le voyage de l’empereur de Russie à Berlin prend tout à coup les proportions d’un événement qui doit décider des prochaines destinées du monde. Le congé pris récemment par M. l’ambassadeur d’Allemagne à Paris est nécessairement rapproché de l’entrevue des souverains et d’un certain nombre d’autres indices. Tous les élémens de la situation européenne sont analysés, décomposés. Les augures se regardent, et au même instant, sans qu’on sache trop pourquoi, de toutes les capitales, de Londres et de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Rome, revient l’invariable et irritante question : que se passe-t-il donc ? S’est-il produit quelque circonstance inconnue qui puisse expliquer ces agitations d’opinion et donner le prétexte, à demi plausible, de complications nouvelles ? Tout cela ne serait-il au contraire que l’artifice de politiques qui, par passion, par calcul ou par intérêt, s’occupent à rassembler des nuages, à laisser voir les signes de mystérieuses et inévitables tempêtes ? Il faut en prendre son parti, c’est un peu le résultat d’une situation générale où l’opinion reste facilement accessible à ces mouvemens d’inquiétude et de susceptibilité nerveuse, parce qu’elle sait bien que les événemens qui se sont accomplis n’ont pas laissé l’Europe dans les conditions les