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Glengarry. Deux régimens furent détachés pour soutenir lord George. L’obscurité commençait quand les troupes se rencontrèrent. Lord George s’élança à la tête des régimens de Stuart et de Macpherson, criant : Claymore ! L’impétuosité des montagnards repoussa l’ennemi. L’obscurité fit croire à des masses nombreuses, et le gros de l’armée anglaise ne donna pas. L’armée écossaise put repasser l’Esk et regagner l’Ecosse.

Pendant l’hiver de 1745 à 1746, la cause du prétendant connut encore quelques succès. La cavalerie et l’artillerie ennemies ne pouvaient pénétrer dans les highlands. Les montagnards, connaissant tous les sentiers, tous les défilés, surprenaient facilement les détachemens envoyés contre eux, et disparaissaient dès qu’ils rencontraient des forces supérieures. Cependant la misère, les privations étaient grandes ; le prince les partageait avec ses soldats. Il couchait sur la neige, n’avait que les grossiers alimens de la troupe, quittait rarement ses habits. Se battant quelquefois, souvent poursuivi, il semblait un fantôme ; son armée paraissait et disparaissait comme par enchantement. Il eut à certains momens jusqu’à 9,000 hommes sous ses ordres ; mais dès que l’envie leur en prenait, ces mêmes hommes rentraient chez eux, ne lui laissant qu’une petite troupe, qui ne le quittait pas. L’hiver fut rude. Le prince n’avait jamais quitté le doux climat de l’Italie, où il était né ; mais jamais une plainte n’effleura ses lèvres. Ce furent là ses beaux jours. Ce qu’il y avait de meilleur en lui, son courage, son abnégation, l’espèce de stoïcisme qui appartient aux races défaillantes, trouvait à se révéler ; il put faire l’illusion d’être un héros.

Le duc de Cumberland avait atteint Edimbourg, et s’était établi au palais d’Holyrood, dans les appartemens mêmes qui avaient été occupés par le prétendant quelques mois auparavant. Cumberland n’était ni beau, ni chevaleresque ; ses manières étaient rudes et déplaisantes, mais il possédait des qualités sérieuses : il était honnête, fidèle à sa parole, à ses amis, et il pouvait passer pour avoir des capacités militaires à une époque où l’Angleterre était singulièrement pauvre en mérites de ce genre. Sans être inhumain, « il traitait les rebelles comme on traite les loups, » disent les contemporains, et ces mêmes contemporains lui ont donné le surnom de « boucher, » tant il usa de cruauté envers des malheureux coupables d’avoir, par un sentiment de fidélité, fait un acte de folie.

Tel était l’adversaire qui se porta au-devant du prétendant au mois d’avril 1746. Charles-Edouard sentait lui-même qu’un coup décisif était inévitable. Son chétif trésor était réduit à 500 louis d’or ; il était obligé de payer ses soldats avec de la farine, et cette maigre pitance n’était pas même toujours suffisante et certaine.