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Quand les deux armées se rapprochèrent l’une de l’autre, celle du prétendant ne comptait que 5,000 hommes, plusieurs des chefs, avec leurs clans, n’ayant pu le rejoindre. Le duc de Cumberland avait 8,000 hommes d’infanterie, 900 cavaliers, une artillerie infiniment supérieure. Le Spey, torrent grossi par les pluies et les neiges, séparait les combattans. Les Écossais, connaissant les gués du torrent, avaient essayé de les défendre en élevant des batteries qui furent bientôt démontées par l’artillerie de l’ennemi. Le 15 avril 1746, lord Elcho, qui avait été envoyé en éclaireur, vint apprendre aux Écossais que le duc de Cumberland fêtait à Nairn l’anniversaire de sa naissance. Lord George Murray fut d’avis d’essayer une surprise. On marcha toute la nuit. Des circonstances fâcheuses amenèrent des retards, et le camp ennemi ne put être atteint qu’au point du jour. Charles voulait attaquer malgré le jour. Un avis contraire prévalut. Les troupes rentrèrent dans leurs quartiers, fatiguées par douze heures de marche nocturne et à jeun. Le prince lui-même ne put obtenir qu’un peu d’eau-de-vie et de pain. Murray voulait se retirer derrière la rivière de la Nairn, pour reposer les troupes. Charles et le duc de Penh s’y opposèrent. Sheridan déclarait « qu’un miracle se ferait pour le roi légitime. » On attendit donc l’ennemi, et ce fut ainsi, dans les circonstances les plus défavorables, que, le 16 août à onze heures du matin, commença la bataille de Culloden.

Les troupes anglaises avaient entièrement surmonté l’espèce de panique que produisaient d’abord sur elles les attaques furieuses des montagnards. La supériorité de leur artillerie leur assurait le succès. L’artillerie ouvrit le combat. Pour s’y soustraire, les highlanders s’élancèrent en avant ; ils furent reçus par une fusillade terrible ; la confusion se mit dans leurs rangs : les régimens, les clans se trouvèrent mêlés les uns aux autres. Il y eut encore des élans sublimes, des attaques d’un courage inouï, suivies de défaillances et de fuites. Du haut d’une éminence, où il s’était posté pour diriger le combat, Charles vit la déroute. Lord Elcho courut vers lui et lui proposa de se mettre à la tête des Macdonalds, qui tenaient encore, et d’essayer une dernière charge. Charles, muet, tournait son cheval pour le suivre, quand Sheridan, le saisissant par la bride, lui cria qu’il était trop tard, qu’il fallait se retirer. Conseil funeste ! Si Charles était mort, une gloire immortelle couronnait sa fin, éclairait la descente au tombeau de la race déchue. Se détournant avec une exclamation d’amer ressentiment, lord Elcho jura que jamais il ne reverrait le visage de celui qui ne savait pas mourir, serment qu’il garda toute sa vie.

Les insurgés prirent la fuite dans deux directions. Les uns, sous