Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/571

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on était ensuite hissé par un treuil. Il immortalisera le nom du constructeur, feu M. Rœbling, le même qui a projeté le grand pont de la rivière de l’Est à New-York, dont on achève en ce moment les piles monumentales, et dont le devis s’élève à 40 millions.

Plus rapproché des chutes est un autre pont suspendu que nous avons vu commencer en 1868 ; il a été achevé l’année suivante. Celui-ci n’est qu’à un seul tablier et uniquement établi pour les piétons et les voitures légères. La portée, c’est-à-dire la distance entre les deux tours qui soutiennent les câbles, est encore plus considérable que celle du premier : elle est de 387 mètres. La hauteur est de 58 mètres 1/2 au-dessus du niveau des basses eaux de la rivière, qui elle-même est profonde en ce point de 75 mètres, ou 15 mètres de plus que la profondeur maximum de la Manche entre Douvres et Calais. La courbe du pont est gracieuse et le mode de suspension des plus élégans ; mais le tablier nous a paru trop étroit. Il n’a que 3 mètres de large, ce qui ne permet l’accès des voitures que par passages alternatifs et non simultanés, et gêne les piétons à la rencontre des véhicules. En outre le balancement du pont est très sensible. Hâtons-nous de dire qu’aucun accident n’a encore eu lieu, et que ce pont, comme son aîné, a jusqu’ici résisté non-seulement au passage quotidien des voitures et des hommes, mais à tous les coups de vent si communs dans cette vallée rétrécie.

C’est en quelque sorte au pied des chutes du Niagara, au point où la rivière se déverse dans le lac Ontario, que l’on prend les bateaux à vapeur qui vous promènent sur ce dernier lac, et de là sur le Saint-Laurent jusqu’à Montréal et Québec. Le chemin de fer conduit des chutes au port de départ, qui s’appelle, lui aussi, Niagara. Sur la rive canadienne, voici Toronto et Kingston, sur la rive américaine Oswego. Toutes les trois font un grand commerce de grains et de farines, et les moulins d’Oswego le disputent à ceux si fameux de la ville voisine de Rochester, où se rencontrent les plus grandes minoteries de l’état de New-York. Kingston est au lieu où les Français avaient bâti le fort Frontenac, et Oswego à celui où était le fort Ontario. Si nos ancêtres n’ont pas su garder la Nouvelle-France, ils ont su au moins la coloniser et choisir pour l’assiette des villes futures les localités les plus propices. Sur l’immense ligne frontière qui s’étendait entre le Saint-Laurent et le Mississipi et qui séparait les possessions anglaises de celles des Français, par tout où ceux-ci avaient marqué l’emplacement d’un fort ou d’un poste, partout s’est élevé plus tard une ville florissante. Il suffit de citer au hasard Kingston, Oswego, Buffalo, Erié, Détroit, Chicago, Pittsburg, Cincinnati, Saint-Louis. Qui a fondé aussi Montréal, Québec, la Nouvelle-Orléans ? Les Français.

Le Saint-Laurent est le déversoir, l’émissaire de tous les lacs.