profit, que ces paysans paraissent repousser les offices et les sacremens de l’église. A cet égard, ces Petits-Russiens se montrent aussi positifs que leurs voisins de la Grande-Russie. De l’avis même de leurs adversaires, les stundistes se font remarquer par leur probité, par leur vie sobre et laborieuse, en même temps que par leur esprit d’économie et la bonne administration de leurs affaires. Ils sont soumis aux autorités et acquittent régulièrement l’impôt, mais en dépit des poursuites ils se refusent à avoir recours au clergé, qu’ainsi que nos révolutionnaires ils paraissent considérer comme un coûteux parasite. Ils ont un culte simple et peu dispendieux, un culte pour ainsi dire domestique, dont la lecture de la Bible fait les principaux frais. Comme les buveurs de lait naguère colonisés dans les mêmes régions, ces nouveaux molokanes ont des tendances égalitaires et communistes. Ils forment une société de frères et de sœurs où tous les membres sont égaux et où l’on prêche, dit-on, le partage égal des terres, chose d’autant plus remarquable que dans la Nouvelle-Russie la commune russe et le système du partage temporaire entre les paysans n’existe pas. Près de ces déserteurs de l’orthodoxie, les exhortations du clergé officiel ont eu peu de succès, et il n’est point certain que les mesures plus sévères auxquelles on a recouru, que les tribunaux, les amendes et la prison en aient beaucoup plus. On peut agir avec les stundistes comme on le faisait jadis avec les molokanes ou les skoptsy, on peut les déporter aux extrémités de l’empire, au Caucase ou en Sibérie ; il est à craindre que, pour cette nouvelle secte comme pour les anciennes, ces exilés ne servent de missionnaires, et qu’ainsi le gouvernement ne se fasse l’agent de la diffusion des doctrines qu’il combat.
Ces sectes nouvelles, stundistes et soupireurs, compteurs du sud et non-payeurs de Perm, ne sont pas les seules récemment découvertes en Russie. On s’étonne de la persistance de cet esprit de secte alors que les causes d’où est sorti le raskol semblent avoir disparu. On ne réfléchit point que, si ces causes sont en train de disparaître, elles n’ont point encore cessé d’agir, et qu’en toutes choses les effets se prolongent au-delà de l’impulsion qui les a déterminés. Un siècle et demi n’a pas suffi à ce peuple aux habitudes tenaces pour se faire entièrement à la réforme de Pierre le Grand et aux procédés de l’état moderne. Les différentes classes, les deux moitiés de la nation se sont déjà rapprochées, mais il s’en faut que l’intervalle séculaire qui les sépare soit comblé. Le servage est supprimé, mais c’est à peine s’il y aura dans quelques années une génération de paysans grandie en dehors du servage. La transformation même de la Russie, en changeant de nouveau toutes les bases