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dans les parties de la toiture qui couvrent l’autel. Au lieu de décrire toutes ces vexations, qui pour un Français rappellent tristement toutes celles que l’ancien régime imposait aux protestans français, il nous semble préférable d’indiquer les améliorations projetées et dont la Russie espère bientôt l’application. Ces réformes feront à la fois comprendre ce que pouvait être la législation précédente, et ce qu’est encore en fait de liberté religieuse l’esprit public en Russie.

La circulaire de 1858 a déjà donné au principe de la tolérance un fondement solide en reconnaissant aux raskolniks nés dans le raskol le droit de professer librement leur culte. Des lois aujourd’hui à l’étude et qui bientôt, dit-on, seront présentées au conseil de l’empire, doivent légaliser et compléter l’émancipation des dissidens. La réforme porterait à la fois sur la liberté du culte et sur les droits civils des raskolniks. La distinction actuelle entre les sectes plus ou moins nuisibles serait maintenue. Aux adhérens des doctrines réputées dangereuses, aux skoptsy, aux khlysty, aux sabbatistes, aucun droit nouveau ne serait accordé ; seulement leurs assemblées religieuses ne seraient plus poursuivies dans les maisons privées à moins que l’ordre public et la morale n’eussent à en souffrir. Aux membres des sectes reconnues comme « moins nuisibles, » aux vieux-croyans en particulier, on donnerait l’autorisation de se réunir pour la prière et le service divin dans leurs maisons, leurs chapelles, leurs cimetières ; l’exercice public de leur culte demeurerait seul interdit. Ils recevraient le droit de rouvrir leurs chapelles mises sous les scellés, de réparer celles qui tombent en ruines, de remplacer celles qui auraient été démolies en convertissant sur les mêmes lieux des habitations privées en oratoires ; ils n’auraient pas encore la faculté de construire de nouvelles églises. Enfin la réforme projetée rendrait la liberté aux ministres comme aux réunions des dissidens. La qualité de prêtre ou de liseur du raskol, l’appropriation même des dignités ecclésiastiques, des titres d’évêque ou d’archimandrite, a déjà cessé d’exposer à des poursuites judiciaires[1]. Ce ne sont plus les ministres du raskol, ce sont les propagateurs du schisme ou de l’hérésie qui seuls ont à redouter les sévérités de la loi, et naturellement ce dernier délit est autrement difficile à reconnaître, autrement difficile à établir que la qualité de docteur ou de prêtre de l’hérésie. Ces réformes humaines, en partie déjà mises en pratique, seraient complétées par l’abrogation formelle des lois qui restreignent les droits civils des

  1. Dans nombre de villes, les évêques vieux-croyans institués par le métropolite de Belokrinitsa vaquent librement aujourd’hui aux fonctions que leur attribuent leurs coreligionnaires.