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mécanique. L’action chimique résulte de la décomposition, par les organes foliacés des arbres, de l’acide carbonique de l’air, amenant la fixation du carbone dans les tissus ligneux et le rejet de l’oxygène dans l’atmosphère. L’action physique des forêts se manifeste par l’accroissement des propriétés hygroscopiques que les détritus végétaux procurent au terrain boisé, par les obstacles que les cimes des arbres mettent à l’évaporation du sol, enfin par les barrières qu’elles opposent aux mouvemens de l’air. L’action physiologique est le résultat de la transpiration des feuilles, qui restituent à l’atmosphère une partie de l’eau que les racines ont puisée dans le sol ; enfin l’action mécanique est produite par les racines qui retiennent les terres, en empêchent le ravinement et facilitent l’infiltration des pluies dans les couches inférieures. Nous allons examiner séparément chacune de ces actions et rechercher les conséquences qu’on peut en tirer.

Quel peut être, au point de vue climatologique, l’effet de la décomposition de l’acide carbonique de l’air et de l’assimilation du carbone ? A priori, on peut affirmer que cet effet doit être un abaissement de température, attendu que, par cela seul que le bois en brûlant dégage de la chaleur, le bois en se formant doit en absorber. Aussi peut-on considérer les forêts comme de vastes appareils de condensation destinés à puiser le calorique dans l’atmosphère et à l’emmagasiner sous forme de bois jusqu’au jour où celui-ci en brûlant le restituera à la circulation générale. Les faits confirment ce raisonnement purement théorique. Dans son savant ouvrage intitulé des Climats et de l’influence qu’exercent les sols boisés et non boisés, M. Becquerel avait déjà constaté ce phénomène et cité de nombreux exemples de l’abaissement de température dû à la présence des forêts. M. Boussingault, dans son voyage aux régions équinoxiales, a fait des observations directes et montré que la température moyenne des régions boisées est toujours plus basse, parfois de 2 degrés, que celle des régions dénudées. Depuis lors de nouvelles et nombreuses observations ont eu lieu, qui ont mis ce fait hors de doute. M. Mathieu a depuis 1866 entrepris des expériences comparatives sur la température des régions boisées et des régions déboisées. Il a établi ses stations d’observations, l’une aux Cinq-Tranchées, à 8 kilomètres de Nancy, au milieu de la forêt de Haye ; la deuxième à Bellefontaine, sur la limite même de la forêt ; enfin la troisième à Amance, à 16 kilomètres de Nancy, en terrain découvert, et dans une région qui, sans être dépourvue de bois, est plus spécialement agricole. Il y a installé des pluviomètres, des thermomètres et des atmidomètres pour mesurer l’évaporation. Ses observations, continuées depuis dix années, l’ont conduit aux résultats suivans, qui se sont constamment reproduits et qui peuvent