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l’établissement charitable des obligations que lui imposent le droit naturel, la loi morale, et dans certains cas la loi civile elle-même, si l’existence du bureau libérait les parens du plus impérieux, du plus sacré des devoirs, nous n’hésitons pas à dire que l’institution des bureaux de bienfaisance serait faussée et détournée de son véritable objet. Pour éviter cet écueil, on a proposé d’armer le bureau d’un droit de recours contre les parens coupables de cet abandon, du moins dans les cas prévus par les articles 205 et suivans du code civil. Les bureaux de bienfaisance seraient-ils bien aptes à jouer ce rôle ? Il est permis d’en douter. comme on l’a fait excellemment remarquer dans l’enquête, cette intervention au sein des familles risquerait de rendre leur ministère odieux. D’autre part il en coûte de ne pouvoir atteindre des parens qui ont méconnu à ce point des obligations consacrées et sanctionnées par la loi. N’est-il donc aucun moyen d’empêcher ce scandale et de restituer en même temps à la caisse de l’établissement charitable des ressources qui lui sont si nécessaires ? On a eu la pensée de confier au juge de paix cette mission délicate dont le bureau de bienfaisance serait si fort empêtré. Le juge de paix, a-t-on dit, est un magistrat de l’ordre judiciaire, et comme tel il a plus qu’un autre qualité pour faire respecter des articles du code civil qui règlent les devoirs des parens les uns envers les autres. En outre son rôle est de concilier plus encore que de sévir, et justement c’est de conciliation encore plus que de rigueur qu’il s’agit. Il connaît bien en général son canton. La tutelle des indigens abandonnés par leurs familles sera bien placée dans sa main. Il a de l’autorité, il a de la persuasion ; le plus souvent il obtiendra des parens une assistance raisonnable, et le procès sera rendu inutile. — L’action du juge de paix serait en effet bien plus efficace que celle du bureau de bienfaisance. Que si le procès était rendu nécessaire, le juge de paix pourrait agir comme dénonciateur auprès du parquet du chef-lieu d’arrondissement, et le bureau de bienfaisance serait en tout cas hors de cause.

Nous avons vu quelles difficultés présentait la confection de la liste des indigens. Les abus, les entraînemens de toute sorte y sont tellement à craindre, surtout dans les petites communes où le recrutement du personnel du bureau n’offre pas, il faut bien le dire, de grandes ressources, qu’on a reconnu presque unanimement dans l’enquête l’impossibilité de laisser le bureau de bienfaisance juge souverain en cette délicate matière. Un contrôle a paru indispensable. La faculté de réviser les listes a donc été donnée par les uns à l’administration supérieure, comme pour les listes de gratuité des écoles ; par les autres à une institution empruntée au projet Dufaure de 1848, et qu’on a appelée le comité cantonal. Dans