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décret du 27 décembre 1866, les électeurs communaux sont divisés en quatre catégories (Français, étrangers, musulmans, israélites), appelées à nommer séparément un nombre déterminé de membres du conseil municipal, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les électeurs de chaque catégorie puissent choisir pour les représenter toute personne remplissant les conditions d’éligibilité de l’article 12 du même décret. » Le même jour, par les mêmes motifs, le conseil d’état validait l’élection de M. Darmon, naturalisé Français, que ses coreligionnaires israélites avaient à l’inverse appelé à les représenter au conseil municipal de Tlemcen. Dans ce dernier cas, le conseil de préfecture d’Oran s’était prononcé en faveur de la validité, que le préfet contestait. Ces prérogatives, grâce auxquelles, avant qu’on eût restitué à nos concitoyens d’Algérie l’exercice de leurs droits politiques, la qualité d’étranger ne constituait presque aucune infériorité, suffisent toujours à ceux qui, n’ayant pas renoncé à leur pays d’origine, sont uniquement intéressés à une bonne gestion locale. Le plus grand nombre se trouve encore dans ce cas.

La législation, si favorable aux étrangers, que nous venons de résumer explique certainement en partie comment notre naturalisation n’a encore fait dans leurs rangs que des conquêtes hors de proportion avec le chiffre de leur population totale ; mais d’autres causes qu’il est intéressant de rechercher concourent aussi à les retenir dans le statu quo. Faudrait-il en accuser par exemple un défaut de confiance de leur part en l’avenir de l’Algérie ? Nous sommes loin de le penser. La confiance ne manque pas à un pays dont tout le monde en Europe nous envie la possession, et que la Prusse eût peut-être volontiers accepté en échange de quelques milliards sans la patriotique résistance de M. Jules Favre. L’insuccès relatif de notre naturalisation auprès des habitans étrangers de l’Algérie tiendrait plutôt à des phénomènes de sensibilité morale. Nos immigrans appartiennent en effet pour la plupart à des races que distingue un attachement particulier au sol natal. Il faut y ajouter chez quelques-uns un orgueil qui est le trait dominant du caractère. Telles sont par exemple les populations de l’Espagne, qui alimentent d’une alluvion continuelle notre province de l’ouest. Ces immigrans emportent avec eux, et gardent jusqu’à ce qu’un intérêt impérieux le leur fasse perdre, l’esprit de retour dans leur patrie. la proximité de l’Espagne, la facilité qu’ils ont de s’y rendre, les relations incessantes qu’ils entretiennent avec elle, les affermissent dans ce sentiment, qui ne cède qu’à la longue. Malgré les fortes attaches que le travail, les habitudes journalières ont créées entre eux et le sol sur lequel ils se sont implantés, le succès seul ne les y