Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/698

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Amérique, cette culture prit une si grande extension dans les plaines du Sig et de l’Habra, c’est surtout par leurs mains qu’elle se fit. Ils ont contribué ainsi à enrichir des propriétaires et des industriels français.

Continuons donc d’appeler les étrangers en concurrence avec nous, puisque nous pourrions si difficilement nous passer de leur concours, et que nous n’avons en somme jusqu’ici vis-à-vis d’eux que le devoir de la reconnaissance et de la confiance ; mais, si la nécessité de posséder cet élément nous commande de lui accorder sa part légitime, la prévoyance n’ordonne pas moins impérieusement de nous prémunir contre le danger d’être débordés par lui, comme un accroissement démesuré nous en menace. On ne saurait y parer par des mesures coercitives ; il ne reste qu’à l’absorber. Non-seulement sachons profiter de son concours, mais tâchons de nous approprier ses forces. Nous en avons besoin en présence des indigènes, que nous ne pouvons point supprimer, et dont l’humanité et notre propre intérêt nous prescrivent d’ailleurs la conservation, car ils méritent de vivre, et ils sont les principaux agens de la production.

Il n’y a peut-être pas à désespérer de ce résultat, à la condition de le vouloir résolument. La loi du 16 décembre 1874, qui est applicable à toute la terre française, nous donnera sans doute quelques concitoyens de plus en Algérie, mais à la troisième génération. Il faut des mesures dont l’effet soit moins tardif. À ce point de vue, nous croyons indispensable de réformer certaines dispositions de la législation sur les concessions de terres.

Comptant avec raison sur l’attrait tout-puissant de la propriété, le premier gouverneur-général civil avait voulu, après ses devanciers militaires, en faire un moyen de peuplement. Il avait imaginé à cet effet un système de concessions conditionnelles, d’après lequel l’état louait, moyennant une redevance annuelle d’un franc, quelle que fût l’étendue des superficies, et pour une période de neuf années, des terrains domaniaux à des Français d’origine européenne. A l’expiration du terme, les locataires ayant résidé sur leur lot devaient recevoir, en échange de leur titre précaire, un titre définitif de propriété. Tel était le principe ; inutile d’entrer dans le détail du règlement des attributions et des sanctions établies en vue d’assurer le fonctionnement régulier de la loi. Les adversaires de ces plans leur reprochaient d’être injustes en créant une exception au préjudice de nos concitoyens indigènes, et impolitiques en ce qu’ils n’intéressaient aucunement les musulmans et que trop peu les étrangers à rechercher notre naturalisation. À ces critiques, l’amiral de Gueydon répondait qu’il n’existait à ses yeux de bons Français