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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/699

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que ceux qui l’étaient par la naissance, — qu’il entendait peupler l’Algérie de cet élément, non la laisser à l’indigénat, dont la naturalisation ne modifiait pas les idées, — qu’il avait dans ce dessein établi un privilège en faveur de l’origine et de la religion, — qu’au surplus il n’y avait rien d’excessif à exiger des étrangers européens qui en réclameraient le bénéfice la naturalisation préalable. Son opinion était arrêtée, sa volonté inflexible.

Le décret du 16 octobre 1871 inaugura un régime de concessions fondé sur ces idées. On pensait attirer ainsi de nouveaux immigrans français sur le sol algérien, et y attacher des colons qui l’habitaient déjà et ne possédaient encore que des ressources insuffisantes. Les résultats pratiques ne répondirent pas d’abord à ces espérances. Les premiers immigrans métropolitains qui se présentèrent pour réclamer le bénéfice des dispositions nouvelles, comptant que l’administration fermerait, par une condescendance abusive, les yeux sur leur conduite, cherchèrent, aussitôt mis en possession de leurs lots, à se dérober à la condition impérative de la résidence ; ils s’empressèrent de les sous-louer moyennant une rente modique à des indigènes, et ils repartirent ensuite. On vit même quelques vieux colons imiter ce fâcheux exemple. Ne pouvant sans doute directement exploiter les terrains qui leur avaient été départis, ils les affermèrent à des tribus voisines.

Ce n’est pas dans nos temps de prospérité agricole que l’on peut compter sur le paysan français pour peupler et coloniser l’Algérie. La meilleure partie de nos populations rurales est sédentaire par goût et par raison ; la portion qui déserte les champs appartient presque entièrement au prolétariat rustique. L’élévation des salaires, l’attrait des plaisirs, la poussent vers nos villes, et la rude existence du colon algérien n’est guère de nature à la tenter. Il importe d’ailleurs que le peuplement de ces territoires à coloniser se fasse non-seulement au profit de l’Algérie, mais au profit de la France, et qu’il puisse augmenter l’effectif total de nos forces. Il existe deux élémens susceptibles de concourir efficacement à ce résultat : les étrangers et les indigènes. On a vu pour quelles raisons l’amiral de Gueydon repoussait systématiquement et contrairement aux idées reçues jusqu’alors les uns et les autres.

Son successeur s’est montré animé de vues moins exclusives. Le décret du 3 août 1874, dû à l’initiative du général Chanzy, autorise l’administration à consentir des baux de cette nature au profit des indigènes naturalisés comme des Français d’origine européenne. Il réduit avec raison de neuf à cinq ans la durée de la location, qui était trop longue. Afin de prévenir des entreprises inconsidérées qui paraîtraient offrir peu de chances de succès, il