Versailles avec le sentiment de la situation qu’elle s’est faite à elle-même. On pouvait présumer que, liée par des résolutions irrévocables, elle n’aurait plus qu’une pensée, celle d’honorer la dernière période de sa carrière en recherchant d’un commun effort tout ce qui pourrait améliorer les institutions nouvelles. C’était une manière de bien finir pour une chambre qui existe depuis plus de quatre ans déjà, qui aura disposé des destinées de la France dans les crises les plus terribles. Malheureusement, soit que la direction ait manqué, soit que les passions, les rancunes, l’esprit de division, aient été plus forts que les inspirations de la raison, l’assemblée dès sa réunion est retombée dans toutes les incohérences. On dirait que les partis épuisent leurs dernières forces à se fractionner plus que jamais, et que, ne pouvant rien par eux-mêmes, ils n’ont d’autre politique que de résister aux nécessités qui les pressent, de remettre perpétuellement en doute ce qui a été résolu, de raviver le sentiment d’incertitude que la constitution du 25 février avait précisément pour objet d’apaiser.
Que les partis irréconciliables, que les légitimistes, les bonapartistes, s’efforcent de détruire et d’affaiblir à leur profit ce qui a été fait, ils sont dans leur rôle. Ceux qui par raison, par nécessité, ont contribué à fonder le régime nouveau ne sont peut-être pas beaucoup plus près de s’entendre sur la nature, sur les conséquences d’une œuvre à laquelle ils semblent ne s’être prêtés qu’avec toute sorte de réticences, et on est réduit à chercher à travers des votes contradictoires une majorité toujours mobile. Où est-elle, cette majorité, sans laquelle on ne peut cependant rien, ni achever ce qui a été commencé, ni revenir en arrière, ni même appeler le pays à se prononcer lui-même ? Tantôt elle a l’air d’incliner vers la droite, tantôt elle revient vers la gauche. L’esprit du 24 mai lutte avec l’esprit du 25 février. Un jour une majorité décide qu’il n’y aura plus d’élections partielles, — ce qui impliquerait la prévision d’une dissolution prochaine. Le lendemain on recule devant cette perspective, une commission arrête au passage une proposition fort modérée de M. Calmon, qui tendrait à fixer moralement, approximativement la date des élections, en précisant un ordre du jour, en réglant ou en limitant les travaux parlementaires. L’assemblée se débat visiblement contre cette nécessité qui pèse sur elle, qui l’importune. Elle admet bien qu’elle doit se dissoudre, elle n’admet pas qu’on lui en parle, et surtout elle n’aime pas qu’on fixe des dates. Ce sont les fractions conservatrices qui ont fait repousser les propositions de dissolution ; c’est la gauche qui à son tour a réussi à faire décider la formation d’une nouvelle commission des trente instituée pour examiner les lois complémentaires de la constitution que M. Dufaure proposait de renvoyer à l’ancienne commission. C’est la gauche qui a triomphé cette fois, et elle a même peut-être trop triomphé, puisqu’elle remplit la