Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/732

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore plus prolongé, si besoin était : il promit à l’impératrice-mère de rester indéfiniment près de la grande-duchesse Olga, de lui servir de guide et de conseil dans un pays étranger et au milieu d’un entourage tout nouveau pour elle. Si exigu que fût le terroir, il ne désespéra point d’y croître sous ce rayon de beauté et de grâce qui venait directement du grand soleil boréal, et il garda en effet ce poste de Stuttgart encore pendant huit longues années… Tenues grandia conamur !

Du reste, tout poste d’observation est bon pour quiconque sait dresser ses lunettes et interroger les astres : le ministre résident à Stuttgart eut des intelligences étendues, et trouva le moyen d’informer son gouvernement sur bien des choses qui dépassaient les limites comme l’horizon du petit royaume de Wurtemberg. Vint bientôt l’année 1848 avec ses catastrophes terribles, avec ces grands ébranlemens révolutionnaires qui ajoutent à l’expérience des plus expérimentés, qui éclairent d’une lueur subite les profondeurs ignorées de la nature humaine, et, pour parler avec Milton, rendent visibles jusqu’aux ténèbres. Une telle leçon d’histoire ne passa pas sans profit, on s’en doute bien, pour l’ancien, élève de Tsarskoë-Sélò ; les salons et les cabinets n’avaient plus depuis longtemps de secrets pour lui ; il connut maintenant ceux du forum et des carrefours. Le voisinage de Francfort, siège du fameux parlement, lui permit d’étudier de près et dans toute son ampleur l’agitation allemande de cette époque mémorable ; il sut en marquer d’avance les phases tour à tour naïves, burlesques et odieuses, et prédire de bonne heure l’avortement immanquable d’une révolution dont les flots surmontés sont venus cependant un jour écumer jusque dans les rues ordinairement si paisibles de Stuttgart.

C’était au mois d’avril 1849. Devançant de vingt ans l’œuvre redoutable de 1870, le parlement de Francfort venait de constituer un empire allemand à l’exclusion de l’Autriche et d’en décerner la couronne au roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV. Le roi de Prusse hésita et finit par se récuser, les autres princes germaniques se soucièrent bien moins encore de souscrire à un arrêt qui impliquait leur abdication ; mais ce n’était point là le compte de la démagogie allemande. Elle s’éprit subitement d’enthousiasme pour cette constitution que la veille encore elle avait dénoncée comme réactionnaire, attentatoire aux libertés du peuple, et prétendit imposer de force aux divers souverains d’Allemagne le vasselage prussien décrété à Francfort. Dans le Wurtemberg, la chambre des députés vota une adresse pressante, impérieuse, pour arracher au roi la reconnaissance de l’empereur Frédéric-Guillaume IV. Le monarque répondit par un refus ; l’émeute gronda sur la place publique, et la cour dut chercher refuge à Ludwigsbourg devant une capitale en