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délire. « Je ne me soumets pas à la maison de Hohenzollern, avait dit le vieux roi Guillaume de Wurtemberg à la députation de la chambre, je dois à mon pays de ne pas m’y soumettre, je le dois à mon peuple et à moi-même. Ce n’est pas pour moi que je parle de la sorte, je n’ai plus que bien peu d’années à vivre ; la conduite que je tiens, c’est mon pays, c’est ma maison, c’est ma famille, qui m’en font un devoir… » Témoin bien ému de ces scènes agitées, de cette protestation pathétique du beau-père d’Olga « pour la maison, pour la famille de Wurtemberg, » Alexandre Mikhaïlovitch ne se doutait guère alors assurément qu’un jour, comme chancelier de l’empire russe, il deviendrait l’auxiliaire le plus utile, le soutien le plus constant d’une politique entreprenante, audacieuse, appelée à réaliser en tous points le programme des émeutiers de Stuttgart et à faire de la reine Olga la vassale du Hohenzollern.

Ce n’était là toutefois que le prologue bruyant d’un drame encore bien lointain, et l’année 1850 put même se flatter de voir disparaître en Allemagne jusqu’aux dernières traces d’une agitation qui n’avait fait qu’étonner l’Europe au lieu de l’éclairer et de l’avertir. Vers la fin de cette année 1850, la confédération germanique était de nouveau rétablie dans les termes de l’ancien pacte de Vienne ; le Bundestag allait reprendre ses paisibles délibérations, et le prince Gortchakof se trouvait tout naturellement indiqué pour représenter le gouvernement russe auprès de la diète de Francfort. Alexandre Mikhaïlovitch eut désormais sa place marquée dans un grand centre d’affaires politiques où le mérite personnel du ministre empruntait encore un éclat particulier à la fortune extraordinaire que les derniers événemens venaient de créer à son auguste maître. L’influence russe, de tout temps très considérable auprès des maisons régnantes d’Allemagne, s’était accrue prodigieusement, on s’en souvient, avait atteint son apogée à la suite de l’ébranlement de février. Demeuré seul à l’abri de la tourmente révolutionnaire qui avait envahi presque tous les états du continent, l’empire des tsars apparaissait alors comme le boulevard le plus solide des principes d’ordre et de conservation. « Humiliez-vous, nations, Dieu est avec nous ! » s’était écrié l’empereur Nicolas dans une proclamation célèbre, et, sans trop s’offusquer d’un langage qui faisait de Dieu en quelque sorte le complice d’un immense orgueil humain, l’Europe monarchique n’eut que des acclamations pour un prince qui après tout travaillait avec un désintéressement remarquable au rétablissement des autorités légitimes et au maintien de l’équilibre du monde.

Il est juste de reconnaître en effet que, dans ces années si agitées de 1848-50, l’autocrate du nord n’usa de son influence, comme de son épée, que pour raffermir les trônes chancelans et faire respecter les traités. Il protégea efficacement le Danemark, sur lequel