de bois pleines, est l’unique véhicule du voyageur. Il est vrai que cette façon d’aller est souvent la seule possible en ces régions montueuses et cahotiques, par des sentiers défoncés ou à pic qu’interceptent à chaque instant des éboulis de roches, et où il faut toute la circonspection du tropeiro et le sûr jarret de ses mules pour ne point rester en détresse. Ces difficultés et cette lenteur de locomotion mettent le transport des denrées à si haut prix que les produits les plus précieux, tels que le café, couvrent à peine les frais d’expédition dès qu’ils ont à franchir une distance de plus d’une centaine de lieues. Il en résulte que les régions du centre demeurent en quelque façon dans un état de blocus continu qui y paralyse tout développement agricole ou industriel. Les côtes même, avant l’emploi de la navigation à vapeur, n’étaient pas moins isolées les unes des autres. Il fallait un mois en moyenne pour qu’un ordre du gouvernement parvînt aux deux extrémités opposées du littoral, Para et Rio-grande-do-Sul ; il s’écoulait un mois et demi encore avant que ce message, porté par les barques poussives de l’Amazone, atteignît la ville de Manaos, capitale de la province d’Amazonas, et le même laps de temps était nécessaire pour qu’il remontât par le Rio de la Plata et le Paraguay jusqu’au cœur de Matto-Grosso ; aussi, à l’époque où la colonie s’affranchit dû joug de sa métropole, s’en fallut-il de peu que les provinces du nord, Para en tête, demeurassent portugaises quand la révolution était depuis longtemps maîtresse de la capitale et de tout le sud.
Ces conditions sont déjà bien changées. Les chemins de fer du sud-est, tels que celui de dom Pedro II, qui deviendra de plus en plus par ses ramifications une importante artère de commerce entre Rio et les provinces environnantes, le railway de Cantagallo, la route modèle de la compagnie Uniâo e industria, qui se peut rattacher au service fluvial du Rio das Belhas, toutes ces voies et d’autres encore sont appelées à répandre une vie nouvelle dans cette partie féconde de l’empire. Il existe aussi, en dehors des paquebots transatlantiques qui relient à l’Europe les grands ports de la Mer de lait, Mar de leite, tels que Rio, Bahia et Pernambuco, une entreprise de steamers brésiliens qui met en communication les principaux points des côtes, qui correspond au midi avec la compagnie de la Plata et du Paraguay, et au nord avec les vapeurs de l’Amazone. Ceux-ci vous transportent en sept jours de Para à Manaos, capitale de la province d’Amazonas ; en sept autres jours, vous êtes, si vous le voulez, aux frontières du Pérou.
C’est à Manaos, petite ville de 3,000 âmes environ, située un peu au-dessus de l’embouchure du Madeira, que commençait véritablement le voyage d’exploration de M. Keller-Leuzinger. Il ne lui fallut pas moins de sept embarcations montées par 80 rameurs, tous