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Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/883

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rapprochés, les diverses sortes d’éducation se disputent les collèges de l’état comme les différentes opinions politiques se disputent le pouvoir. Il y a deux ans, ces questions se mêlaient de controverses personnelles irritantes ; aujourd’hui, grâce à la diversion amenée par d’autres débats, une sorte de trêve est intervenue sur ce point. Le moment est donc favorable pour étudier une question aussi importante, et il ne sera pas inutile de consulter l’expérience d’une nation voisine, qui, moins de dessein prémédité que grâce aux circonstances, a su donner une solution au problème qui nous occupe. En Allemagne comme chez nous, l’enseignement classique s’est vu en butte à des attaques : le gymnase (on sait que c’est le nom donné aux établissemens qui correspondent à nos collèges) a eu sa période de contestations et de luttes ; mais depuis vingt ans, outre une prospérité qui n’avait jamais été atteinte jusque-là, il a retrouvé la sécurité : il doit ce repos à la realschule.


I

L’histoire de la realschule contient plus d’une sorte de leçon. Ce n’est pas du premier coup ni sans tâtonnemens que l’Allemagne est arrivée à placer à côté du gymnase un établissement parfaitement distinct et non moins complet, ayant un enseignement à part et poursuivant un but qui lui est propre. On fait d’habitude remonter jusqu’au XVIIe siècle les premiers essais de l’Allemagne en ce genre. Sous l’influence des écrits de Bacon, Amos Comenius (1592-1681), le dernier évêque des frères moraves[1], publia le plan d’un nouvel enseignement qui obtint une grande célébrité. Il s’agissait de substituer aux livres l’étude directe de la nature. « Ne demeurons-nous pas aussi bien que les anciens dans le jardin de la nature ? Pourquoi ne pas ouvrir ce livre vivant ? .. Ce ne sont pas les ombres des choses, ce sont les choses elles-mêmes qu’il faut présenter à la jeunesse. L’enseignement doit commencer par la vue des objets, et non par leur description en paroles. Si quelquefois les objets manquent, il faut au moins en présenter les images. » Il réalisa cette idée dans son Orbis pictus, ouvrage longtemps populaire, et qui encore aujourd’hui, sous une forme renouvelée, sert à l’éducation de la jeunesse. Les sciences physiques et naturelles devaient tenir dans l’instruction la première place. A côté du latin, la langue maternelle obtenait une plus grande part d’attention qu’on ne lui en avait accordé jusque-là. Toutes ces idées frappèrent vivement

  1. Son véritable nom était Komensky, du nom de Komna en Moravie, sa ville natale.