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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1875.

Le temps passe vite même pour les nations engagées dans les plus laborieuses épreuves. Tout bien compté, voilà la cinquième année qui s’achève depuis que la France, accablée sous les désastres, s’est vue réduite à se ressaisir pour ainsi dire elle-même jour par jour, à se dégager de toutes les funestes étreintes. De toute façon, c’est une heure sérieuse, presque émouvante, puisqu’avec cette année qui expire l’assemblée qui a si longtemps représenté la puissance nationale achève, elle aussi, de vivre. Elle prend son dernier congé, et ne se retrouvera plus à Versailles qu’un instant au mois de mars pour disparaître aussitôt devant les chambres qui vont être élues d’ici là. Dès ce moment, elle a rempli sa mission, elle a terminé sa carrière.

Qui aurait dit à cette assemblée, lorsqu’elle se réunissait pour la première fois à Bordeaux, le 12 février 1871, qu’elle avait devant elle une si longue existence ? Elle le croyait si peu elle-même que deux ans lui semblaient un terme presque démesuré. Qui lui aurait dit surtout que le jour viendrait où malgré elle, de guerre lasse, sous l’influence d’une nécessité impérieuse, elle serait conduite à laisser comme testament politique à la France la république organisée et constituée ? C’est pourtant l’histoire de ce long parlement français, dont la destinée singulière a été de vivre au-delà de toutes les prévisions, et de ne pas savoir toujours ce qu’il voulait ou ce qu’il pouvait faire. Assurément, si exorbitante qu’ait pu paraître quelquefois la durée de cette omnipotence exceptionnelle dans un provisoire trop prolongé, ces cinq années n’ont point été stériles ; elles ne sont point perdues pour le raffermissement de notre pays. La paix reconquise au prix de sacrifices aussi douloureux qu’inévitables, l’insurrection la plus criminelle vaincue et dispersée, le territoire délivré de l’occupation étrangère, le crédit retrouvé par le travail et par la bonne foi, les finances relevées, la réorganisation de