Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du suif par l’ébullition. Cette cuve généralement en bois, rarement en fer, est semblable comme aspect et grandeur à nos cuves à vin : une porte ouverte en bas sert à charger le fond ; un homme nu, placé à l’intérieur ; reçoit les débris et les quartiers qu’on lui apporte de l’esplanade ; il les empile dans la cuve, et, lorsque le fond est fait, il ferme la bouche d’en bas et le chargement continue par le haut. La cuve pleine, on chauffe un générateur indépendant dont la vapeur pénètre par un tube en serpentin dans la cuve au milieu des viandes amoncelées et met en ébullition l’eau qu’on y a versée ; le bouillon devra durer quarante-huit heures, temps nécessaire pour séparer complètement la graisse des fibres musculaires. Il reste à faire écouler le suif bouillant et liquide par des conduits jusque dans des tonneau, où il refroidira en quelques jours : il sera ensuite livré à l’exportation. Les résidus sont retirés de la cuve, et, après avoir passé à la presse pour en extraire autant que possible tout le suif, ils sont encore employés comme combustible et servent à chauffer le générateur à vapeur.

Le travail est ainsi terminé, l’animal transformé dans toutes ses parties ; à son entrée, il pesait environ 220 kilogrammes et coûtait au saladériste en moyenne 70 francs, achat et frais, de voyage compris ; il produit 176 kilogrammes de substances élaborées, soit 115 de viande, 29 de cuir, 14 de graisse, 19 d’os, sabots et cendres ; la viande, après avoir été séchée, perdra 50 pour 100 de son poids. On consomme annuellement pour le travail des salaisons dans la Plata 1 million d’hectolitres de sel, soit une valeur de 5 millions de francs sur le lieu de consommation, fournis presque exclusivement par Cadix ; c’est la seule matière première qui entre dans tout le travail du saladero ; il est inutile de dire que les côtes marines de la république, qui ont plus de 500 lieues d’étendue, pourraient le fournir en abondance, et inutile d’ajouter qu’il se passera de longues années avant que l’on essaie de l’y aller chercher. Les ouvriers sont divisés par équipes spéciales à chaque travail, payés à tant par tête, et tous associés entre eux ; le prix de la main-d’œuvre pour tout le travail est de 2 fr. 50 cent, par tête ; les bouchers sont généralement des indigènes, le reste des travaux est fait par des Basques français. L’animal produira à la vente 90 ou 95 francs qui se répartiront entre l’estanciero, l’ouvrier et le saladériste, ce dernier obtenant un bénéfice de 10 ou 15 francs par tête, dont il lui faudra déduire le loyer du saladero et les risques de toute nature, qui sont à sa charge.

Les prix que nous donnons sont ceux des quatre dernières années ; mais il faut observer qu’il s’est opéré depuis 1870 une hausse considérable ; le prix des cuirs s’est élevé depuis la guerre de